Panneaux photovoltaïques défectueux, dommages causés au bâtiment par l’installation : qui doit réparer les dégâts ?

            Encouragée par le gouvernement, la production d’électricité par le recours à des énergies renouvelables, singulièrement l’énergie solaire, a connu un essor considérable. Selon les derniers chiffres publiés par le Ministère de la transition énergétique, le parc solaire photovoltaïque français compte aujourd’hui (selon un décompte arrêté fin mars 2023) 710 000 installations ; le nombre de nouvelles installations (plus de 40 000) a doublé, par rapport à 2022, de sorte que, à l’heure actuelle, 2,7 % de l’électricité consommée en France est d’origine solaire (source

Allant au-delà d’une simple politique d’incitation, les pouvoirs publics ont pris des mesures contraignantes visant à généraliser le recours aux énergies renouvelables. Il ressort des lois n° 2021-1104 du 22 août 2021 (« portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ») et n° 2023-175 du 10 mars 2023 (« relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables »), dont les dispositions figurent à l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation, que la construction ou la rénovation lourde de certains bâtiments doit prévoir « d’intégrer un procédé de production d’énergies renouvelables ». Sont visés, depuis 2021, les bâtiments à usage commercial, industriel ou artisanal, les constructions de bâtiments à usage d’entrepôt, les constructions de hangars non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation commerciale et les constructions de parcs de stationnement couverts accessibles au public, ainsi que, depuis le 1er juillet 2023, les immeubles de bureaux, les bâtiments administratifs, les hôpitaux, les équipements sportifs, récréatifs et de loisirs et les bâtiments ou parties de bâtiments scolaires et universitaires .

            Si, pour des raisons écologiques évidentes, l’on ne peut que se réjouir de cet essor, il demeure que celui-ci apporte son lot de difficultés, lorsque, l’installation étant défaillante et/ou à l’origine de dommages, il s’avère nécessaire, en vue d’indemniser les victimes, de déterminer à qui incombe la charge des réparations et sur quels fondements peut, éventuellement, être engagée la responsabilité des vendeurs et/ou des installateurs de panneaux photovoltaïques.

            La question est complexe, car les réponses apportées par le droit sont encore incertaines et, surtout, variables selon que l’installation litigieuse est ou n’est pas assimilable à la construction d’un ouvrage (I) et, dans la deuxième hypothèse, où la pose de panneaux photovoltaïques apparait comme une simple adjonction d’un élément d’équipement à un bâtiment préexistant, selon que l’adjonction a été opérée au profit d’un consommateur ou d’un professionnel (II).

1 – L’installation assimilable à la construction d’un ouvrage

            L’article 1792 du Code civil énonce que « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ». Le texte établit ainsi une responsabilité de plein droit, automatique, à la charge du constructeur d’un ouvrage, responsabilité dont celui-ci ne peut se libérer, comme le précise l’alinéa 2 du même texte, qu’en démontrant que les désordres constatés sont dus à une « cause étrangère », c’est-à-dire à un événement de force majeure ou au fait d’un tiers. Ce régime de responsabilité est évidemment très favorable à la victime des dommages, dont l’indemnisation n’est pas subordonnée à la preuve d’une faute commise par le constructeur.

            L’enjeu qui s’attache à la qualification des travaux entrepris n’est donc pas mince, le constat que ceux-ci sont constitutifs d’un « ouvrage » subordonnant, en principe, l’application du régime spécial de responsabilité visé à l’article 1792 du Code civil.

            La jurisprudence en la matière étant encore à la fois incertaine et insuffisamment abondante, le juriste en est réduit à des conjectures.

            Néanmoins, s’agissant des travaux d’installation d’une centrale photovoltaïque, la qualification de certains d’entre eux ne suscitent guère de controverses. Ainsi l’édification d’une ombrière (infrastructure métallique – supportant des panneaux photovoltaïques – destinée à protéger les véhicules contre les intempéries) constitue une opération de construction d’un ouvrage, en application du critère classique – retenu par la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 28 janv.2003 : RDI 2003, p. 184. – Cass. 1re civ., 20 déc. 1993 : Bull. civ. I, n° 374. – Cass. 3e civ., 2 mars 1999 : RDI 1999. 258) – de l’ancrage au sol de l’édifice. A l’inverse, on peut raisonnablement exclure du champ du régime spécial de responsabilité des constructeurs, la pose au sol (en plein champ) de panneaux photovoltaïques, quand bien même les supports desdits panneaux seraient ancrés au sol, dans la mesure où l’implantation de simples supports (qui ne sont, du reste, que des accessoires des panneaux) ne peut être assimilée à la construction d’un ouvrage (en ce sens Ph. Malinvaud, « Photovoltaïque et responsabilité », RDI 2010, p. 360 ; P. Dessuet, « Le développement durable en matière de construction : le cas du photovoltaïque », RGDA déc. 2023, p. 7).

            La qualification des travaux d’installation de panneaux en toiture d’un bâtiment est en revanche beaucoup plus délicate, encore que la difficulté soit d’inégale importance selon que l’installation s’inscrit dans le cadre d’une opération de construction d’un bâtiment neuf (A) ou intervient sur un bâtiment préexistant (B).

A) Installation de panneaux dans le cadre d’une construction nouvelle

            Lorsque, dans le cadre de la construction d’un ouvrage neuf, des panneaux sont installés en toiture, le régime de responsabilité spécifique des constructeurs doit recevoir application, la condition qui subordonne la mise en œuvre de ce régime au constat de travaux d’édification d’un ouvrage étant, par définition, satisfaite.

            Deux hypothèses peuvent être distinguées.

            Lorsque les panneaux font partie intégrante de la toiture, ils participent à la fonction « clos, couvert et étanchéité ». Les désordres qui les affecteraient (provoquant, par exemple, des infiltrations d’eau ou un risque d’affaissement du toit) relèvent naturellement de la garantie décennale visée à l’article 1792 du Code civil dès lors qu’ils portent atteinte à la solidité de l’ouvrage ou rendent ce dernier impropre à sa destination.

            Lorsque les panneaux, placés en simple sur-imposition sur la toiture, n’ont pas d’autre fonction que la production d’électricité, ils sont assimilables à des éléments d’équipements destinés à fonctionner. Les désordres les affectant ouvrent alors droit, au profit du maître de l’ouvrage, à la garantie de « bon fonctionnement » visée à l’article 1792-3 du Code civil, à moins que, en raison de leur gravité, ils ne relèvent de la garantie décennale (ce qui suppose qu’ils entrainent une atteinte à la solidité du bâtiment ou une impropriété à destination de celui-ci). Il faut toutefois réserver l’hypothèse dans laquelle ces panneaux, simplement fixés sur le toit, auraient pour fonction exclusive la production d’une électricité destinée à la vente. Dans ce cas en effet, le désordre affectant les panneaux ne peut être réparé que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, l’article 1792-7 du Code civil excluant l’application des garanties légales en ce qu’il énonce que « ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage ».

B) Installation de panneaux sur un bâtiment préexistant

            Il se peut que, par l’ampleur et la nature des travaux entrepris, l’installation de panneaux photovoltaïques sur un bâtiment préexistant soit assimilable, en elle-même, à une opération de construction d’un ouvrage. Ce sera le cas, par exemple, lorsque l’intégration des panneaux dans la toiture nécessite des travaux de gros œuvre touchant à l’ossature du bâtiment existant. Il fut ainsi jugé que l’installation de panneaux photovoltaïques ayant nécessité la réalisation d’une nouvelle toiture sur l’immeuble existant, les travaux effectués relevaient d’une opération de construction d’un ouvrage (Cass. 3e civ., 28 juin 2022, n° 21-17919). De même, la Haute Cour a estimé que la pose d’une centrale de production électrique, par intégration de capteurs solaires dans la toiture d’un entrepôt agricole préexistant, devait être considérée comme une opération de construction d’un ouvrage (Cass. 3e civ., 8 juin 2023, n° 21-25960 : RGDA juill. 2023, p. 40, note P. Dessuet).

            Dans cette hypothèse où la pose de la centrale photovoltaïque est traitée comme une opération de construction d’un ouvrage, il est évident, par application littérale des dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil, que les désordres affectant l’installation, dans ses éléments constitutifs ou ses éléments d’équipement ouvrent droit aux garanties légales dont les constructeurs sont débiteurs à l’égard du maître de l’ouvrage (en ce sens : Cass. 3e civ., 8 juin 2023, n° 21-25960, préc.). Il faut relever, à cet égard, que l’atteinte à la solidité ou l’impropriété à destination, dont le constat subordonne la mise en œuvre de la garantie décennale, s’apprécient au regard de la destination de l’ouvrage atteint de désordres. Il en résulte qu’elles sont constituées dès lors que l’installation photovoltaïque ne produit pas l’électricité attendue (ce qui caractérise l’impropriété à destination) ou que les désordres mettent en péril la pérennité de l’installation elle-même. Il importe peu, en revanche, que le bâtiment préexistant ne soit pas atteint (dans sa solidité ou sa destination) par les vices constatés (V., pour une hypothèse voisine concernant une installation de climatisation assimilable à un ouvrage :  Cass. 3e civ., 24 sept. 2014, n° 13-19615 : RDI 2014, p. 643, note Ph. Malinvaud).

2 – L’installation assimilée à l’adjonction d’un élément d’équipement

            L’installation de panneaux photovoltaïques est fréquemment effectuée sur une toiture préexistante, par simple pose en sur-imposition. L’opération n’est alors pas assimilable à une opération de construction d’un ouvrage. Est-il néanmoins envisageable de faire application de la garantie décennale en cas de désordres affectant les panneaux en question ? La réponse apportée par le droit diffère selon que la relation entre l’installateur et la victime du dommage est régie (A) ou non (B) par le droit de la consommation.

A) Responsabilité encourue par le vendeur-installateur à l’égard du consommateur 

            Dans un arrêt récent, la première Chambre civile de la Cour de cassation a estimé que le contrat liant le fabricant-vendeur professionnel de panneaux photovoltaïques à un particulier agissant à des fins non-professionnelles (autrement dit, à un consommateur) doit être qualifié de contrat de vente, et non de contrat de louage d’ouvrage, alors même que le vendeur aurait procédé à l’installation des panneaux vendus (Cass. 1re civ., 17 mai 2023, n° 21-25670). La solution est fondée sur l’article 2 de la directive européenne (n° 2011/83/UE) du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, lequel qualifie de contrat de vente « tout contrat en vertu duquel le professionnel transfère ou s’engage à transférer la propriété des biens au consommateur et le consommateur paie ou s’engage à payer le prix de ceux-ci, y compris les contrats ayant à la fois pour objet des biens et des services (…) ».Il résulte de cette jurisprudence que, en cas de désordre, le consommateur ne pourra engager la responsabilité de son partenaire que sur le fondement soit de la responsabilité contractuelle de droit commun, ce qui exige la démonstration d’une inexécution fautive de la part du professionnel, soit des garanties dues par le vendeur (notamment la garantie des vices cachés visée à l’article 1641 du Code civil).

            La solution est défavorable au consommateur, lequel ne pourra se prévaloir des garanties légales spéciales (singulièrement de la garantie décennale) dont sont débiteurs les seuls professionnels liés par un contrat de louage d’ouvrage à la victime des désordres.

Nota : dans l’hypothèse, marginale en pratique, où le consommateur n’aurait confié que la pose des panneaux à l’entrepreneur, après avoir acquis, par lui-même, lesdits panneaux auprès d’un tiers vendeur, le contrat liant le consommateur à l’installateur ne peut être qu’un contrat de louage d’ouvrage. Le régime de responsabilité – étranger au droit de la vente – applicable aux parties est alors identique à celui qui gouverne les relations liant un installateur à un client professionnel (Cf. B/ ci-dessous).

B) Responsabilité encourue par l’installateur à l’égard d’un professionnel

            Selon la Cour de cassation, lorsque le contrat liant les parties (contractant en qualité de professionnels) comporte à la fois la vente d’un bien et « un travail spécifique destiné à répondre à des besoins particuliers », le contrat en question relève de la catégorie des contrats de louage d’ouvrage (Cass. 3e civ., 20 avr. 2022, n° 21-14182. Dans le même sens : CE, 17 oct. 2023, n° 465913, Cne de Viry-Châtillon). Il en résulte que l’installation de panneaux photovoltaïques sur le toit d’un bâtiment à usage professionnel peut éventuellement déclencher l’application de la responsabilité décennale.

            L’application de ce régime spécifique de responsabilité va toutefois dépendre de l’usage auquel est destinée l’électricité produite.

1) Installation exclusivement destinée à la commercialisation de l’électricité produite

            En vertu de l’article 1792-7 du Code civil, ne sont pas couverts par les garanties légales des constructeurs « les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage », et cela que les éléments en question soient installés dans le cadre d’une opération de construction d’un ouvrage neuf (hypothèse envisagée supra I/ A/) ou simplement adjoints à l’existant (hypothèse envisagée ici).

            Il résulte de ce texte que l’adjonction de panneaux photovoltaïque sur un bâtiment dans le but exclusivement commercial de vendre l’électricité produite à des tiers ne peut en aucun cas déclencher l’application des garanties légales spéciales visées aux articles 1792 et suivants du Code civil. En cas de dommages causés ou subis par l’installation, seule la responsabilité civile de droit commun de l’installateur peut être engagée, laquelle suppose l’établissement d’une faute commise par ce dernier dans l’exécution de ses obligations contractuelles.

  2) Installation destinée en tout ou en partie à l’autoconsommation

            Lorsque l’adjonction de panneaux vise à produire une électricité destinée en tout ou ne serait-ce qu’en partie à l’alimentation du bâtiment préexistant, l’article 1792-7 du Code civil, qui exclut du champ des garanties légales les éléments « dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage », ne trouve pas à s’appliquer, de sorte que la mise en œuvre des garanties légale n’est pas, a priori, exclue.

            Le constat que l’installation ne soit pas assimilable (dans l’hypothèse envisagée ici) à une opération de construction d’un ouvrage, constat que la jurisprudence a longtemps considéré comme un obstacle à l’application de la responsabilité spécifique des constructeurs (Cass. 3e civ., 28 janv. 2009, n° 07-20.891. – Cass. 3e civ., 7 nov. 2012, n° 11-20.532), est aujourd’hui indifférent. En effet, depuis une série d’arrêts rendus par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation durant l’année 2017, il est admis que « les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination » (Cass. 3e civ., 15 juin 2017, n° 16-19640 : Resp. civ. et assur. 2017, comm. 248. – Cass. 3e civ., 14 sept. 2017, n° 16-17323 : Resp. civ. et assur. 2017, comm. 315, H. Groutel. – Cass. 3e civ., 26 oct.2017, n° 16-18.120 : Resp. civ. et assur. févr. 2018, comm. 51, H. Groutel). Un arrêt du 13 juillet 2022 est venu restreindre la portée de ces solutions, en précisant que « cette règle ne vaut cependant, s’agissant des éléments adjoints à l’existant, que lorsque les désordres trouvent leur siège dans un élément d’équipement au sens de l’article 1792-3 du Code civil, c’est-à-dire un élément destiné à fonctionner » (Cass. 3e civ., 13 juill. 2022, n°19-20231 : RGDA sept. 2022, p. 37, note P. Dessuet).

            Il résulte de cette jurisprudence que des panneaux photovoltaïques, lesquels entrent dans la catégorie des « éléments d’équipement destinés à fonctionner », pourraient provoquer l’engagement de la responsabilité décennale de l’installateur, lorsque, bien que simplement adjoints à un immeuble préexistant, leur dysfonctionnement rend l’ouvrage impropre à sa destination (ce qui sera le cas, par exemple, lorsque le désordre affectant l’installation prive le bâtiment d’éclairage ou de chauffage), voire porte atteinte à la solidité de l’ouvrage (en provoquant, par exemple, une fissuration des murs ou un effondrement de la toiture).

            En présence de désordres de gravité moindre (n’emportant ni atteinte à la solidité de l’ouvrage, ni impropriété à destination), la garantie de bon fonctionnement visée à l’article 1792-3 du Code civil pourrait-elle être sollicitée ? Par extension de la jurisprudence de 2017 (préc.), laquelle ne subordonne plus l’engagement de la responsabilité décennale au constat de l’adjonction d’un élément d’équipement dans le cadre d’une opération de construction d’un ouvrage, l’on pourrait être tenté de répondre par l’affirmative. Mais rien n’est moins sûr, l’arrêt du 13 juillet 2022 (préc.) témoigne en effet de la volonté de ramener la garantie décennale dans des limites plus strictes et au-delà, peut-être, de mettre un frein à l’application extensive de l’ensemble des garanties légales des constructeurs, ce qui exclurait la possibilité de se prévaloir de la garantie de bon fonctionnement en l’absence d’opération de construction d’un ouvrage.

Maud Asselain
WordPress Appliance - Powered by TurnKey Linux