Les clarifications apportées par l’Ordonnance du 6 décembre 2023

         L’Ordonnance n° 2023-1138 du 6 décembre 2023 (publiée au Journal officiel le 7 décembre 2023), portant transposition de la directive n° 2021/2118 du 24 novembre 2021, vient apporter les précisions permettant de délimiter clairement le champ d’application de l’assurance obligatoire des véhicules terrestres à moteur.

         L’article L. 211-1, alinéa 1, du Code des assurances enjoint à « toute personne physique ou toute personne morale autre que l’Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d’atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué » d’être couverte, pour faire circuler celui-ci, « par une assurance garantissant cette responsabilité ». Le même texte précise que le terme « véhicule » doit s’entendre de « tout véhicule terrestre à moteur, c’est-à-dire tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée ». En dépit de cette précision, l’application de l’obligation d’assurance à certains véhicules, comme les fauteuils roulants ou les engins de déplacement personnels motorisés (tels que trottinettes et vélos électriques) demeurait incertaine. Grâce à l’Ordonnance du 6 décembre 2023, les véhicules exclus du champ de l’assurance obligatoire (I), comme ceux qui, inversement, relèvent de l’obligation d’assurance (II) sont aujourd’hui clairement identifiables.

1 – Véhicules exclus du champ de l’assurance obligatoire

A – Fauteuils roulants

         L’ordonnance du 6 décembre 2023 est venu ajouter un alinéa 2 à l’article L. 211-1 du Code des assurances, lequel stipule désormais que « le fauteuil roulant automoteur, dispositif médical exclusivement utilisé pour le déplacement d’une personne en situation de handicap, n’est pas considéré comme un véhicule au sens du précédent alinéa ».

         Par un arrêt du 6 mai 2021, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation avait considéré que « un fauteuil roulant électrique, dispositif médical destiné au déplacement d’une personne en situation de handicap, n’est pas un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985 », avant d’en déduire que son utilisateur, victime d’un accident de la circulation, ne pouvait pas être assimilé à un « conducteur » dont le droit à indemnisation est réduit, voire supprimé, en cas de faute, même légère (Cass. 2e civ., 6 mai 2021, n° 20-14.551).

         L’arrêt ne réglait cependant pas la question de l’obligation, pour l’utilisateur d’un fauteuil roulant électrique, de souscrire une assurance couvrant sa responsabilité civile. En effet, il n’existe pas une identité absolue entre les véhicules soumis à assurance obligatoire et la notion de véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985, relative à l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation. La Cour de cassation a ainsi admis qu’une mini-moto, pourtant non soumise à assurance obligatoire, relevait de la loi sur les accidents de la circulation (Cass. 2e civ., 22 octobre 2015, n° 14-13.994). Inversement, la deuxième Chambre civile a exclu l’application de la loi de 1985 lorsqu’un accident est dû à un élément étranger à la fonction de déplacement d’un véhicule pourtant soumis à l’obligation d’assurance (Cass. 2e civ., 18 mai 2017, n° 16-18.421. – Cass. 2e civ., 9 juin 1993, n° 91-12.452. – Cass. 2e civ., 8 janvier 1992, n° 90-19.143).

         L’ordonnance du 6 décembre 2023 vient donc apporter une réponse à la fois inédite et claire en excluant fermement du champ de l’assurance obligatoire les fauteuils motorisés utilisés par les personnes handicapées et cela, quelle que soit leur vitesse de déplacement. Les dommages que l’usage de ces fauteuils pourrait engendrer relèvent donc de l’assurance de responsabilité civile facultative, notamment de l’assurance « RC chef de famille » ou « multirisques-habitation ».

B – Véhicules partiellement actionnés par une force mécanique

         L’ordonnance du 6 décembre 2023 a ajouté un paragraphe II à l’article L. 211-4, lequel limite l’obligation d’assurance aux véhicules terrestre automoteurs actionnés « exclusivement par une force mécanique sur le sol ».

         A contrario, les véhicules qui sont actionnés pour partie par un moteur, pour partie par la force humaine, comme c’est le cas, par exemple, d’un vélo à assistance électrique, échappent désormais clairement, quelle que soit leur vitesse maximale potentielle, à l’obligation d’assurance.

         Le législateur français s’inscrit ainsi dans la droite ligne de la jurisprudence de l’Union européenne. Un arrêt de la Cour de justice de l’Union, en date du 12 octobre 2023, a en effet estimé que, au sens de la Directive 2009/103 du 7 octobre 2009 relative à « l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et [au] contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité », ne peuvent être considérés comme des « véhicules » « les engins qui ne sont pas actionnés exclusivement par une force mécanique et qui ne peuvent donc pas se déplacer sur le sol sans utilisation de la force musculaire ». Ce dont la CJUE a déduit, en l’espèce, que n’est pas soumis à l’obligation d’assurance « un vélo dont le moteur électrique fournit uniquement une assistance au pédalage et qui dispose d’une fonction lui permettant d’accélérer sans pédaler jusqu’à une vitesse de 20 km/h, cette fonction ne pouvant toutefois être activée qu’après utilisation de la force musculaire » (CJUE, 12 oct. 2023, n° C-286/22, KBC Verzekeringen NV c/ P&V Verzekeringen CVBA : RGDA nov. 2023, p. 25, note J. Landel).

2 – Véhicules soumis à l’obligation d’assurance

         L’article L. 211-1 du Code des assurances soumet à l’obligation d’assurance « tout véhicule terrestre à moteur, c’est-à-dire tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée ». Les voitures, camions, motocycles et leurs remorques correspondent, sans aucun doute possible, à la définition du véhicule dont la circulation exige la souscription d’une assurance.

         En revanche, le doute était permis s’agissant des engins automoteurs de petite taille et peu rapides, tels que les trottinettes et vélos électriques. On a vu (cf supra I. B.) que ces engins échappent à l’obligation d’assurance dès lors qu’ils sont mus au moins partiellement par la force humaine. Mais quid des engins de déplacement personnels actionnés exclusivement par une force mécanique ?

 

         L’ordonnance du 6 décembre 2023 apporte, là encore, une réponse claire. Elle est en effet venue compléter l’article L. 211-4 du Code des assurances, lequel précise désormais que le « véhicule » soumis à l’obligation d’assurance doit s’entendre de « Tout véhicule terrestre automoteur actionné exclusivement par une force mécanique sur le sol, sans être lié à une voie ferrée, avec :

  1. a) Une vitesse maximale par construction supérieure à 25 km/ h ; ou
  2. b) Un poids net maximal supérieur à 25 kg et une vitesse maximale par construction supérieure à 14 km/ h».

         Dès lors que l’engin a la capacité de se mouvoir seul, sans faire appel, ne serait-ce que partiellement, à la force musculaire humaine, il sera soumis à l’obligation d’assurance dès lors que, soit il est apte à dépasser la vitesse de 25km/h, soit son poids excède 25 kg et sa vitesse maximale outrepasse 14 km/h.

         Le champ de l’assurance obligatoire est désormais parfaitement délimité et les usagers ne pourront plus s’abriter derrière l’ambiguïté (désormais dissipée) de la loi pour se soustraire à l’obligation d’assurance dès lors qu’ils entendent piloter un engin répondant à la nouvelle et fort claire définition du « véhicule ».

Maud Asselain

Sources : Légifrance, Lexbase

Un article signé, Maud Asselain, Maître de conférences en Droit privé, Directrice de l’Institut des Assurances de Bordeaux pour Alteas.

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