Que faire en cas de faillite de son assureur ?

Conditions et modalités d’intervention du Fonds de garantie des assurances obligatoires.Que faire en cas de faillite de son assureur ?

La loi de finances pour 2022 a assoupli les conditions d’intervention du FGAO en cas de défaillance de l’assureur garantissant les risques de responsabilité civile automobile et de dommages à l’ouvrage, que cet assureur opère depuis le territoire français ou en « libre prestation de service ».
Que faire en cas de faillite de son assureur ?

            Le droit français impose la souscription de certaines assurances de dommages. Ainsi, celui qui entend faire circuler un véhicule terrestre à moteur est tenu de conclure une police garantissant la responsabilité civile qu’il encourt à l’occasion d’un accident de la circulation (C. assur., art. L. 211-1) ; de même, toute personne qui fait réaliser des travaux de construction d’un ouvrage est tenue de contracter une police dommages-ouvrage – DO – (C. assur., art. L. 242-1). Afin de se conformer à ces  obligations d’assurance, il peut être tentant, plutôt que de s’adresser à une compagnie française, de contracter auprès d’un assureur situé sur le territoire de l’Union européenne opérant en « libre prestation de service » (LPS), afin, notamment, de profiter de tarifs plus attractifs que ceux qui sont pratiqués par les assureurs hexagonaux.

Le recours à un assureur étranger n’est cependant pas sans risque. Ces dernières années, la presse s’est en effet fait l’écho de la défaillance de plusieurs compagnies opérant en LPS. EIC, société qui distribuait, depuis son siège situé à Gibraltar, des contrats d’assurance RC auto a ainsi été mise en liquidation en 2016 ; Elite Insurance Company Ltd (également située à Gibraltar), ainsi que Alpha Insurance et de Qudos Insurance, deux compagnies domiciliées au Danemark, ont pareillement été dans l’incapacité de faire face aux engagements pris envers leurs assurés.

Ce constat explique que le législateur ait étendu le champ d’intervention du Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO). L’ordonnance du 27 novembre 2017 a ainsi supprimé toutes distinction entre assureurs français et assureurs opérant en LPS, de sorte que le retrait d’agrément des uns comme des autres ouvre la possibilité à l’assuré, au titre d’une police RC auto ou DO, de bénéficier  d’une prise en charge du sinistre par le Fonds de garantie.

La loi n°2021-1900 du 30 décembre 2021 (Loi de finances pour 2022), entrée en vigueur le 1er janvier dernier, a assoupli les conditions d’intervention du FGAO, ce qui est favorable aux assurés victimes de la défaillance de leur assureur (1°) ; en revanche, les modalités – relativement complexes – de cette intervention (2°), comme l’étendue de la garantie – non intégrale – accordée par le Fonds (3°) demeurent inchangées, ce qui doit conduire à la vigilance dans le choix d’un assureur dont la santé financière n’est pas suffisamment avérée.

 

1°/ Conditions d’intervention du FGAO

            Retrait d’agrément. Le FGAO n’intervient qu’en cas de retrait d’agrément de l’assureur par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) dans conditions fixées par l’article L. 383-1 du Code des assurances.

Assurés concernés. En application de l’article L. 421-9, II, 5°, du Code des assurances, l’intervention du fonds de garantie ne profite qu’aux assurés ayant souscrit l’assurance à des fins non-professionnelles. Il en résulte que le promoteur immobilier – souscripteur d’une assurance DO – ne saurait profiter de la garantie du FGAO.

Assurances concernées. Selon l’article L. 421-9, alinéa 1, du Code des assurances, le fonds « est chargé de protéger les personnes assurées, souscriptrices, adhérentes ou bénéficiaires de prestations de contrats d’assurance dont la souscription est rendue obligatoire par les articles L. 211-1 ou L. 242-1, contre les conséquences du retrait d’agrément d’une entreprise d’assurance couvrant sur le territoire de la République française les risques [visés par ces deux textes] ». Il en résulte que le FGAO n’intervient qu’en cas de défaillance d’un assureur français ou européen opérant LPS ayant fourni, non pas n’importe quelle police dont la souscription est obligatoire, mais uniquement une assurance DO ou RC auto.

Contrats concernés. S’agissant des contrats d’assurance RC auto, l’intervention du FGAO est subordonnée au fait que la police délivrée par l’assureur défaillant ait été souscrite ou renouvelée postérieurement au 1er juillet 2018 (Ord. 27 nov. 2017, art. 15, al. 2). S’agissant des polices dommages-ouvrages, en revanche, cette restriction temporelle est supprimée par la réforme de 2021, puisque le Fonds pourra intervenir, que la police ait été souscrite aussi bien antérieurement que postérieurement au 1er juillet 2018 (Ord. 27 nov. 2017, art. 15, al. 3, mod. L. 30 déc. 2021).

Sinistres couverts. En application de l’alinéa 2 de l’article L. 421-9 du Code des assurances (dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2021),  « ne sont couverts par le fonds de garantie que les sinistres garantis par le contrat pour lesquels l’accident de la circulation ou le désordre survient avant la fin de la validité de la police d’assurance définie par le droit applicable » (Nota : la restriction aux faits dommageables survenus « au plus tard à midi le quarantième jour suivant la décision de retrait de l’agrément de l’assureur » a été supprimé par la loi du 30 décembre 2021). Il faut prendre garde que « la fin de la validité de la police d’assurance définie par le droit applicable » visée par ce texte correspond à la date fixée par le liquidateur de la compagnie d’assurance et non pas à l’expiration du délai de dix ans à compter de la réception de l’ouvrage. « Le droit applicable » est en effet le droit de la liquidation du lieu de domiciliation de la société d’assurance, lequel prévoit généralement une date de fin de validité de la police quelques mois après la publication du jugement déclaratif de faillite (et non dix ans après la réception comme en droit français).

Pour les accidents de la circulation, s’ajoutent deux conditions : les sinistres ne seront couverts par le FGAO que si, en outre, ils « donnent lieu à une première réclamation de la part d’un tiers victime moins de cinq ans après [la date la fin de la validité de la police d’assurance définie par le droit applicable] et qui sont survenus en France ou, pour les accidents survenus sur le territoire d’un Etat visé à l’article L. 211-4 autre que la France, sont provoqués par la circulation de véhicules et de leurs remorques et semi-remorques ayant leur stationnement habituel en France ».

 

2°/ Modalités d’intervention

Au cours de la période de garantie restant à courir lors de la mise en liquidation de l’assureur, le fonds de garantie ne se substitue pas à l’assureur défaillant pour la gestion des sinistres. Le FGAO n’a en effet pas vocation à recevoir les déclarations de sinistre, a fortiori, à procéder à la désignation d’experts et à mener les procédures d’offres d’indemnisation que le droit français impose aux assureurs DO et RC auto. L’article R. 421-54 du Code des assurances prévoit en effet qu’il incombe au liquidateur de l’entreprise d’assurance de « gérer les dossiers relatifs à l’indemnisation des dommages ».

En outre, l’article L. 421-1, III, du Code des assurances (applicable en cas de défaillance d’un assureur RC auto, mais également d’un assureur DO, par renvoi de l’article L. 421-9-4 du même code) énonce que « lorsque le fonds de garantie intervient […] les indemnités doivent résulter soit d’une décision juridictionnelle exécutoire, soit d’une transaction ayant reçu l’assentiment du fonds de garantie ». Il en résulte, en pratique, que l’assuré devra obtenir la condamnation du liquidateur avant de pouvoir bénéficier de l’intervention du Fonds.

 

3°/ Etendue de la garantie accordée par le fonds

L’article R. 421-50 du Code des assurances fixe les limites de l’indemnisation versée par le FGAO. L’alinéa 1er du texte précise en effet que la « prise en charge s’effectue dans les conditions et limites de garantie prévues par les contrats d’assurance souscrits auprès de l’entreprise [dont l’agrément a été retiré] ».

En outre, l’alinéa 2 du même texte limite cette prise en charge, en cas de défaillance d’un assureur DO, « à 90 % de l’indemnité qui aurait été attribuée à l’assuré ou à ses ayants droit par l’assureur dont l’agrément a été retiré ».

 

Maud Asselain

 

Sources :

https://www.lemoniteur.fr/article/assurance-dommages-ouvrage-le-recours-au-marche-alternatif-enfin-securise-par-le-fonds-de-garantie.2188397

https://rapportdactivite.fondsdegarantie.fr/faillites-d-assureurs-le-fgao-assure

https://www.argusdelassurance.com/juriscope/analyses-d-experts/fgao-les-nouvelles-regles-en-cas-de-faillite-de-l-assureur.143190

Un article signé, Maud Asselain, Maître de conférences en Droit privé, Directrice de l’Institut des Assurances de Bordeaux pour Alteas.

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