Dans quels cas et sur quels fondements peut-on engager la responsabilité d’un architecte ?

L’intervention d’un architecte à l’occasion d’une opération de construction est très fréquente en pratique, ne serait-ce que parce qu’elle est, dans de nombreuses hypothèses, imposée par la loi (V. C. urb., art. 431-2). Il arrive que le maître de l’ouvrage ne soit pas satisfait du déroulement des travaux ou de l’ouvrage achevé. Il se peut également que des tiers se plaignent des gênes occasionnées par la construction. Il importe de savoir si et dans quelle mesure l’architecte peut voir sa responsabilité engagée à l’occasion des dommages et/ou désagréments engendrés par l’opération dont il a accepté la maîtrise.

 

Parce qu’il conçoit l’ouvrage d’un point de vue aussi bien technique qu’architectural, parce qu’il dirige, voire surveille, l’exécution des travaux et conseille le propriétaire avant et pendant la réalisation de l’ouvrage, l’architecte a un rôle central et majeur dans toute opération de construction. Les responsabilités qui pèsent sur lui sont à la mesure de son rôle : lourdes et variées, selon la nature et la date des désordres constatés. Débiteur des garanties légales des constructeurs (I), l’architecte est également susceptible d’engager sa responsabilité civile de droit commun sur le terrain contractuel, comme délictuel (II).

ALTEAS responsabilités architecte
  1. – La responsabilité spécifique des constructeurs encourue par l’architecte

Aux termes de l’article 1792-1 du Code civil, « Est réputé constructeur de l’ouvrage : 1° Tout architecte […] ou toute autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ».

En sa qualité de constructeur, l’architecte encourt la responsabilité de plein droit prévue par les articles 1792 et suivants du Code civil.

En conséquence, il engage sa responsabilité décennale envers le maître de l’ouvrage (et les acquéreurs successifs de celui-ci), dès lors que sont constatés, après réception de l’ouvrage, « des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination » (C. civ., art. 1792) ou des « dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un ouvrage, […] lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert » (C. civ., art. 1792-2).

L’architecte encourt également une responsabilité de plein droit, au titre de la garantie de bon fonctionnement, en présence de dommages apparus dans les deux années suivant la réception de l’ouvrage et qui affectent le fonctionnement d’un ou des éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage (C. civ., art. 1792-3).

Lorsque les désordres constatés sont de la nature et de la gravité de ceux qui sont visés par les articles 1792, 1792-2 ou 1792-3 du Code civil, la responsabilité de l’architecte est engagée automatiquement à l’égard du maître de l’ouvrage sans qu’il soit nécessaire que lesdits désordres résultent d’une faute (laquelle n’a, en conséquence, pas besoin d’être établie) de l’architecte. Celui-ci ne saurait donc s’exonérer de sa responsabilité en démontrant son absence de faute (Cass. 3e civ., 16 févr. 1983, n° 81-12.168), de sorte qu’il peut être tenu à réparation de désordres résultant exclusivement de défauts d’exécution imputables aux entrepreneurs (Cass. 3e civ., 19 juill. 1995 : JCP N 1995, 2285 ; RDI 1995, p. 756, obs. Ph. Malinvaud et L. Boubli. – Cass. 3e civ., 27 juin 2001, n° 00-12.130). Seule la preuve d’une cause étrangère est susceptible de libérer l’architecte de sa responsabilité (Cass. 3e civ., 20 juin 2001, n° 99-40.242 : RDI 2001, p. 368).

L’architecte n’est en revanche pas redevable de la garantie de parfait achèvement visée par l’article 1792-6 du Code civil, laquelle n’est due que par l’entrepreneur qui a réalisé les travaux défectueux qui ont fait l’objet de réserves lors de la réception ou dans l’année suivant celle-ci (Cass. 3e civ., 7 juill. 2004, n° 03-11.248).

 

Remarque : Comme tous les constructeurs, l’architecte est tenu de garantir le risque d’engagement de sa responsabilité décennale en souscrivant une police d’assurance idoine (C. assur., art. L. 241-1). La garantie d’assurance profitera au maître de l’ouvrage et, le cas échéant, aux acquéreurs successifs de l’ouvrage, lesquels disposent d’un droit propre et privilégié sur les indemnités dues par l’assureur, ainsi que d’une action directe contre ce dernier pour faire valoir leur droit (C. assur., art. L. 124-3).

 

Lorsque les conditions d’application des garanties décennale et de bon fonctionnement sont réunies, le maître de l’ouvrage est tenu d’engager la responsabilité de l’architecte sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil, lesquels sont d’application exclusive (V., par ex. Cass, 3e civ., 12 nov. 2020, n°19-22376 : « les dommages qui relèvent d’une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ». – Dans le même sens : Cass. 3e civ., 8 juill. 2021, n°19-15165). Lorsque, inversement, les dommages constatés ne remplissent pas ces conditions, leur réparation relève de la responsabilité de droit commun de l’architecte.

 

  1. – Les responsabilités de droit commun encourues par l’architecte

            L’architecte est lié au maître de l’ouvrage par un contrat dit de « louage d’ouvrage ». En cas d’inexécution ou de mauvaise exécution de celui-ci entraînant des dommages autres que ceux qui déclenchent les garanties légales des articles 1792 et suivants du Code civil (garantie décennale ou de bon fonctionnement), il encourt une responsabilité contractuelle de droit commun à l’égard du maître de l’ouvrage (A). A l’égard des tiers, lesquels ne bénéficient pas des garanties légales, ni ne sont liés à l’architecte par un quelconque contrat, l’architecte encourt une responsabilité de droit commun de type délictuel (B).

 

  1. – Responsabilité contractuelle de droit commun

L’engagement de la responsabilité contractuelle de droit commun de l’architecte à l’égard de son co-contractant (maître de l’ouvrage) est possible dès lors qu’il est établi à l’encontre de celui-ci l’inexécution ou la mauvaise exécution d’une obligation dont il est débiteur au titre du contrat de louage d’ouvrage et/ou du mandat qui lui a éventuellement été confié.

            A cet égard, les obligations susceptibles d’être non ou mal exécutées par l’architecte sont nombreuses, ce qui multiplie d’autant les risques d’engagement de sa responsabilité.

            Responsabilité pour défaut de conseil.

En pratique, la responsabilité de droit commun de l’architecte est fréquemment engagée en raison d’un manquement à son obligation de conseil. Selon une jurisprudence constante, en effet, « l’architecte n’est pas seulement un homme de l’art qui conçoit et dirige les travaux ; il est aussi un conseiller à la technicité duquel le client fait confiance et qui doit l’éclairer sur tous les aspects de l’entreprise qu’il lui demande d’étudier et de réaliser » (Cass. 1re civ., 25 juin 1963 : Bull. civ. I, n° 341 ; rapp. Ph. Malinvaud, RDI 1993, p. 222). En sa qualité de professionnel du bâtiment, l’architecte est ainsi tenu d’une obligation générale de conseil sur l’ensemble des aspects du projet, et cela pendant tout le temps de sa mission. A ce titre, il doit être complet et précis et ne saurait se contenter de « rares recommandations peu contraignantes et inefficaces » (Cass. 3e civ., 22 nov. 2000, n° 99-12.182). Il doit aller jusqu’à décider de ne pas retenir les choix du maître d’ouvrage soucieux de réaliser une construction à moindre prix, lorsqu’ils aboutiraient à compromettre la solidité de l’ouvrage (Cass. 3e civ., 13 janv. 1982 : JurisData n° 1982-700043 ; JCP G 1982, IV, p. 115. – CA Paris, pôle 4, ch. 6, 26 oct. 2012, n° 11/00202).

Il faut relever toutefois que l’étendue de l’obligation de conseil de l’architecte dépend de l’étendue et de la durée de la mission qui lui a été confiée par le maître d’ouvrage (Cass. 3e civ., 21 nov. 2012, n° 11-19.778. – Cass. 3e civ., 20 mars 2013, n° 11-27.122. – Cass. 3e civ., 19 mai 2016, n° 14-28.278, 14-29.708). Il a ainsi été jugé que l’architecte chargé d’une mission relative à l’obtention de permis de démolir et de construire n’est pas tenu de réaliser des travaux de reconnaissance des sols pour effectuer un diagnostic de la pollution éventuelle ni d’attirer l’attention sur le risque de s’abstenir de telles investigations (Cass. 3e civ., 30 janv. 2013, n° 11-27.792). De même, l’architecte dont la mission est limitée au dépôt d’une demande de permis de construire n’est plus redevable de son obligation de conseil postérieurement au dépôt de la demande (Cass. 3e civ., 9 janv. 2002, n° 00-14.002).

En cas de litige, le fardeau de la preuve repose sur l’architecte, lequel doit démontrer qu’il a rempli son obligation de conseil (Cass. 3e civ., 4 mai 1976, n° 74-14.119. – Cass. 3e civ., 14 déc. 2004 : Constr.-Urb. 2005, 30, obs. Rousseau. – Cass. 3e civ., 17 déc. 2013, n° 12-28.019).

Nota : Le devoir de conseil de l’architecte subsiste en présence d’un maître d’ouvrage notoirement compétent. Il a ainsi été jugé que la compétence notoire du maître d’ouvrage dans le domaine de la construction de cliniques ne dispense pas l’architecte de remplir son devoir d’information et de conseil en l’avertissant de l’insuffisance de l’installation de renouvellement de l’air prévue au regard de recommandations unanimement admises dans la profession (Cass. 3e civ., 23 mars 2017, n° 15-16.077 : Constr.-Urb. 2017, n° 73, obs. M.-L. Pagès de Varenne).

 

            Responsabilité liée à un manquement à une obligation technique.

L’architecte est débiteur d’obligations « techniques » d’abord au stade de la conception. Il doit concevoir un projet réalisable tenant compte des contraintes du sol et du sous-sol (Cass. 3e civ., 25 févr. 1998, n° 96-10.598. – Cass. 3e civ., 12 nov. 2014, n° 13-19.894). De même est-il tenu de vérifier les éléments du sous-sol et leur compatibilité avec la construction envisagée (Cass. 3e civ., 24 mai 1989, n° 87-19.169). L’architecte est également responsable de l’implantation du bâtiment. Il commettrait une faute de conception engageant sa responsabilité en dressant des plans de l’immeuble sans tenir compte de l’altimétrie et de la différence de niveau du terrain sur lequel le bâtiment devait être implanté (Cass. 3e civ., 5 oct. 2004, n° 03-16.276). Toujours au stade de la conception, l’architecte est responsable du choix et de la qualité des matériaux qu’il préconise. Le vice d’un matériau, même s’il n’était pas normalement décelable à l’époque de la construction, ne peut constituer en lui-même une cause étrangère exonératoire pour l’architecte (Cass. 3e civ., 7 mars 1990, n° 88-14.866). Le simple respect des normes ne suffit pas, l’architecte devant s’assurer que les matériaux utilisés sont adaptés à la situation précise des lieux (Cass. 3e civ., 26 oct. 2005, n° 04-16.405).

L’architecte est également débiteur d’obligations « techniques » au stade de la passation des marchés. Il doit, notamment, vérifier que les entreprises qu’il propose au maître d’ouvrage ont les compétences suffisantes (Cass. 3e civ., 17 déc. 1997, n° 96-11.813. – Cass. 3e civ., 11 avr. 2012, n° 10-28.325) et qu’elles sont effectivement assurées (Cass. 3e civ., 17 déc. 1997, n° 96-11.83).

L’architecte est encore débiteur d’obligations « techniques » au stade de l’exécution des travaux. Dans le cadre de sa mission de direction des travaux et partant, de son obligation de coordonner les entreprises, l’architecte est responsable du respect des délais d’exécution, sauf à établir la faute du maître d’ouvrage, celle des entrepreneurs ou l’existence d’un cas de force majeure (Cass. 3e civ., 19 juin 1996 : RDI 1996, p. 571). L’architecte doit par ailleurs vérifier l’avancement des travaux et leur conformité avec les pièces du marché. Toutefois, le devoir de surveillance des travaux n’implique pas une présence et un contrôle permanents sur le chantier (Cass. 3e civ., 4 mai 2016, n° 15-14.671 et 15-18.717).

L’architecte est, enfin, tenu d’obligations « techniques » à l’issue des travaux. Il assiste le maître d’ouvrage pour la réception des travaux, organise une visite contradictoire en vue de la réception, signale au maître d’ouvrage les désordres et défauts de conformité apparents (Cass. 3e civ., 30 oct. 1991, n° 90-12.993. – Cass. 3e civ., 12 avr. 2012, n° 10-27.725) et rédige les procès-verbaux comportant la liste des réserves éventuellement formulées. Postérieurement à la réception, l’architecte suit le déroulement des reprises liées aux réserves et constate la levée des réserves en présence du maître d’ouvrage et de l’entrepreneur.

 

            Responsabilité liée au manquement à des obligations financières et comptables.

L’architecte doit renseigner le maître d’ouvrage sur le coût prévisionnel des travaux, mais également se renseigner sur les possibilités financières du maître d’ouvrage avant d’établir les plans et les devis (CA Paris, 1re ch., 21 nov. 1991 : JCP 1992, IV, 1917 ; RDI 1992, p. 519). L’architecte est ainsi tenu de s’assurer de la solvabilité du maître d’ouvrage (Cass. 1re civ., 13 nov. 1961 : Bull. civ. I, n° 518) et d’attirer son attention sur les conséquences d’une économie excessive (Cass. 3e civ., 16 mars 1977 : Bull. civ. III, n° 125). En outre, l’architecte se doit de faire respecter le budget défini en cours de travaux (Cass. 3e civ., 29 mars 2011, n° 10-14.510) ; il commet une faute lorsqu’il ne prévoit pas l’ensemble des travaux nécessaires à la construction d’un ouvrage dont le coût prévisionnel est déterminé (Cass. 3e civ., 21 janv. 2000 : RDI 2000, p. 570).

 

            Responsabilité liée à un manquement aux obligations administratives et juridiques.

L’architecte doit s’assurer de la conformité du projet aux règles d’urbanisme. Il lui appartient de respecter les dispositions des règlements d’urbanisme dont la connaissance relève de son art (Cass. 3e civ., 12 sept. 2012, n° 10-28.167 : responsabilité de l’architecte à la suite de l’annulation définitive d’un permis de construire par le juge administratif pour violation du PLU de la commune et d’un plan de prévention des risques naturels. V. également, Cass. 3e civ., 25 sept. 2012, n° 11-11.936). L’architecte doit tenir compte des prescriptions qui conditionnent l’obtention du permis de construire et, par exemple, des prescriptions du cahier des charges d’un lotissement (Cass. 3e civ., 17 nov. 1981 : Bull. civ. III, n° 190. – Cass. 3e civ., 28 févr. 2007, n°06-10832). L’architecte se doit d’alerter le maître d’ouvrage sur la nécessité d’obtenir l’autorisation du syndicat des copropriétaires avant le démarrage des travaux (Cass. 3e civ., 25 janv. 2011, n° 10-11.720).

Dès lors que les dommages provoqués par l’inexécution ou la mauvaise exécution de ses obligations par l’architecte ne sont pas de la nature de ceux qui déclenchent les garanties légales des constructeurs (Cf supra I), la responsabilité encourue par celui-ci à l’égard du maître de l’ouvrage est une responsabilité contractuelle de droit commun (C. civ., art. 1231-1). Cette responsabilité pourra ainsi être engagée en présence de dommages affectant un ouvrage non réceptionné (Cass. 3e civ., 8 mars 1995 : RDI 1995, p. 333, obs. Ph. Malinvaud et L. Boubli), en présence de défauts de conformité, de désordres purement esthétiques (Cass. 3e civ., 30 nov. 2017, n° 16-24.298), de manquements à l’obligation de conseil n’entraînant pas de désordres à l’ouvrage (Cass. 3e civ., 30 nov. 2011, n° 10-21.27), de retard dans la réalisation des travaux (Cass. 3e civ., 28 oct. 2003, n° 02-13.986, a contrario), ou encore de dépassement du coût des travaux (Cass. 3e civ., 8 oct. 2013, n° 12-15.340).

La jurisprudence considère que l’architecte est redevable d’une obligation de moyens à l’égard du maître d’ouvrage. Il en résulte qu’il incombe à ce dernier d’apporter la preuve d’une faute de l’architecte en lien avec le préjudice allégué, s’il entend engager la responsabilité de celui-ci (Cass. 3e civ., 3 oct. 2001, n° 00-13.718. – Cass. 3e civ., 4 déc. 2012, n° 11-19.370 : Constr.-Urb. 2013, comm. 25, M.-L. Pagès de Varenne). La charge de la preuve reste toutefois inversée en matière de défaut de conseil, dans le cadre duquel il appartient à l’architecte de démontrer avoir exécuté son obligation de conseil auprès du maître d’ouvrage (Cass. 3e civ., 4 mai 1976, n° 74-14.119. – Cass. 3e civ., 14 déc. 2004 : Constr.-Urb. 2005, 30, obs. Rousseau. – Cass. 3e civ., 17 déc. 2013, n° 12-28.019).

Nota :  Par dérogation au droit commun, les actions engagées à l’encontre des architectes pour des dommages affectant l’ouvrage sur le fondement contractuel sont soumises au délai de 10 ans à compter de la réception, en vertu de l’article 1792-4-3 du Code civil. Une controverse doctrinale existe en revanche sur la soumission à cet article des actions contractuelles de droit commun dirigées contre des constructeurs en l’absence de dommages à l’ouvrage.

  1. – Responsabilité délictuelle de droit commun

Lorsqu’aucun contrat ne lie l’architecte au demandeur, l’éventuelle responsabilité du premier à l’égard du second est de nature délictuelle.

Ainsi, l’architecte peut être amené à garantir les autres locateurs d’ouvrage. Il a été jugé, par exemple, que l’architecte qui commet des fautes dans l’exercice de sa mission doit garantir l’entrepreneur des condamnations prononcées contre lui (Cass. 3e  civ., 6 déc. 2000 : RDI 2001, p. 161).

Toujours sur le terrain délictuel, la responsabilité de l’architecte peut également être engagée par des voisins du chantier, sur le fondement de la théorie prétorienne selon laquelle « nul ne doit causer à autrui des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage ». Il a ainsi été jugé que l’architecte ayant une mission complète de conception et de direction des travaux doit être considéré comme voisin occasionnel en ce qui concerne l’exercice de cette mission et qu’il engage en conséquence sa responsabilité en raison des dommages causés aux avoisinants (CA Paris, pôle 4, ch. 5, 17 avr. 2013, n° 09/18859 : JurisData n° 2013-007645 ; Constr.-Urb. 2013, comm. 101).

Lorsque le tiers qui réclame réparation à l’architecte n’est ni co-contractant de ce dernier, ni un voisin du chantier, l’action qu’il intente contre l’architecte aura pour fondement la responsabilité délictuelle de droit commun fondée sur les articles 1240 et suivants du Code civil. Le succès de cette action suppose démontrée l’existence d’une faute (C. civ., art. 1240 et 1241), d’un fait de la chose dont l’architecte aurait la garde (C. civ. art. 1242, al. 1) ou du fait d’un préposé dont l’architecte devrait répondre en qualité de commettant (C. civ., art. 1242, al. 5). Ainsi, par exemple, en cas d’erreur de plan ayant entrainé une chute de la construction sur un passant, la responsabilité de l’architecte fautif pourrait être retenue sur le fondement des articles 1240 ou 1241 du Code civil. L’obtention d’une indemnisation demeure en tout état de cause subordonnée à la preuve d’un lien de causalité entre le dommage invoqué et le fait générateur de responsabilité imputé à l’architecte.

 

Remarque : En vertu de l’article 16 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, « tout architecte, personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée en raison des actes qu’il accomplit à titre professionnel ou des actes de ses préposés, doit être couvert par une assurance. Chaque année, toute personne assujettie à cette obligation produit au conseil régional de l’ordre des architectes dont il relève une attestation d’assurance pour l’année en cours ». Cette obligation d’assurance, propre à la profession règlementée d’architecte, dépasse le champ d’application de l’assurance construction obligatoire ; en effet, l’architecte se doit d’être couvert pour l’ensemble des actes qu’il accomplit à titre professionnel, lui-même ou par l’intermédiaire de ses préposés, ce qui va bien au-delà de la simple garantie des désordres de nature décennale.

Sources

www.legifrance.gouv.fr
www.architectes.org
www.acpresse.fr

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