L’assuré doit-il déclarer à l’assureur les circonstances qui viennent diminuer ou aggraver le risque assuré postérieurement à la conclusion de la police ?

            La conclusion du contrat d’assurance est systématiquement précédée d’un échange d’informations entre l’assureur et le candidat à l’assurance. L’assureur ne peut en effet accepter de garantir un risque (et calculer le montant de prime qui sera réclamé à l’assuré) sans évaluer préalablement le risque qu’on lui demande de couvrir. Un questionnaire relatif à la configuration du celui-ci est, à cette fin d’évaluation, soumis au futur assuré, lequel est tenu d’y répondre avec sincérité et exactitude.

            L’exécution du contrat d’assurance s’inscrivant dans la durée, il se peut cependant que le risque assuré évolue après la conclusion de la police, de sorte que les informations communiquées initialement à l’assureur ne sont plus exactes.

            Que faire en pareille situation ? L’assuré peut-il, doit-il, en informer l’assureur ? La réponse à ces questions n’est pas la même selon qu’il y a diminution (I) ou, inversement, aggravation (II) du risque en cours de contrat.

1 – Diminution du risque assuré en cours de contrat

            Le risque assuré peut « diminuer » en cours de contrat, en ce sens que ses probabilités de réalisation ou les conséquences prévisibles de sa réalisation sont moins élevées qu’elles ne l’étaient à l’époque de la conclusion de police. Par exemple, l’immeuble assuré contre le risque de vol, initialement dépourvu de système de protection, fait désormais l’objet d’un gardiennage ; l’assuré, au titre d’une police garantissant le risque d’accidents corporels, ne pratique plus aucunes des activités dangereuses qu’il avait initialement déclarées ; le nombre de salariés a été diminué de moitié, de sorte que le risque de responsabilité encouru par l’employeur assuré du fait de ces préposés est moindre, etc.

            Dans l’hypothèse d’une diminution du risque, le Code des assurances ne met à la charge de l’assuré aucune obligation d’information de l’assureur. Il demeure qu’il est dans l’intérêt du souscripteur de procéder à une déclaration de diminution, dans la mesure où ladite diminution lui ouvre la possibilité d’obtenir une réduction du montant de la prime dont il est redevable. L’article L. 113-4, alinéa 4, du Code des assurances énonce en effet que « l’assuré a droit en cas de diminution du risque en cours de contrat à une diminution du montant de la prime ». Toutefois, du même texte il se déduit que l’assureur n’est pas tenu d’accepter cette diminution de prime. En cas de refus, l’assuré ne peut que « dénoncer le contrat », c’est-à-dire le rompre unilatéralement. Si l’assuré, qui n’a pas obtenu satisfaction, opte pour la résiliation, celle-ci prend effet trente jours après la dénonciation. L’assureur est alors tenu de rembourser la portion de prime ou cotisation afférente à la période pendant laquelle le risque n’a pas couru (C. assur., art. L. 113-4, al. 4).

            Si la déclaration d’une modification du risque en cours de contrat est une simple faculté pour l’assuré lorsque ladite modification est « à la baisse », elle est en revanche obligatoire lorsque l’évolution du risque entraîne l’aggravation de celui-ci.

2 – Aggravation du risque assuré en cours de contrat

            En cas d’aggravation du risque en cours de contrat l’assuré est tenu d’en aviser l’assureur. L’article L. 113-2, alinéa 1, 3° du Code des assurances fait en effet obligation au souscripteur « de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur notamment dans le formulaire [de déclaration du risque rempli lors de la conclusion du contrat] ».

            Cette obligation de déclaration, dont il convient de déterminer le domaine (A) et l’objet (B), doit être scrupuleusement exécutée (C). En cas de manquement, l’assuré défaillant s’expose à des sanctions qui peuvent être lourdes (D).

A) Domaine de l’obligation

            L’alinéa dernier de l’article L. 113-2 exclut expressément les assurances sur la vie du champ de l’obligation de déclaration des modifications du risque. Seule la souscription d’une assurance de dommages (assurance de biens ou de responsabilité) ou d’une assurance de personne non-vie (telle que, par exemple, une assurance contre les accidents corporels) contraint le souscripteur à exécuter cette obligation de déclaration.

Nota : Le souscripteur d’une assurance maladie est également soumis à l’obligation de déclaration des aggravations du risque. Il devrait, par exemple, informer l’assureur d’un changement de profession l’exposant davantage au risque de maladie en raison de séjours plus fréquents à l’étranger. Attention toutefois, lorsque la déclaration porte sur une aggravation de l’état de santé (par ex., l’apparition d’un diabète), par dérogation aux autres hypothèses d’aggravations du risque, l’assureur n’est en droit, ni de résilier le contrat, ni de réclamer un montant de prime plus élevé (C. assur., art. L. 113-4, alinéa 6).

 

B) Objet de l’obligation

            Le souscripteur est tenu d’informer l’assureur des circonstances de fait qui affectent le risque assuré en cours de contrat. Ces modifications de la configuration initiale du risque peuvent être dues au souscripteur ou à l’assuré (exemple : stockage de produits inflammables dans les lieux garantis contre l’incendie) ou résulter d’événements extérieurs (exemple : installation d’un commerce de bouteilles de gaz à proximité de l’immeuble assuré). Les modifications doivent être déclarées, dès lors qu’elles provoquent une aggravation du risque initialement assuré () ou adjoignent à celui-ci des risques nouveaux ().

            1) Déclaration des aggravations du risque

            La circonstance nouvelle aggravante s’entend de celle qui a pour effet d’augmenter les probabilités de réalisation du risque assuré ou d’en accroître l’intensité.

            Elle doit faire l’objet d’une déclaration dès lors qu’elle a une influence sur l’opinion que l’assureur a du risque, en ce sens que celui-ci n’aurait pas contracté ou l’aurait fait moyennant une prime plus élevée s’il avait connu la circonstance en question ab initio.

            En outre, l’obligation de déclaration est subordonnée au fait, selon les termes exprès de l’article L. 113-2, alinéa 1, 3°, du Code des assurances, que la circonstance nouvelle rende « inexactes ou caduques les réponses » faites par le souscripteur dans le questionnaire qui lui a été soumis lors de la conclusion du contrat. Une aggravation du risque qui n’aurait pas d’incidence sur l’exactitude des réponses, ne serait-ce que parce le souscripteur n’aurait pas été interrogé initialement sur l’élément dont l’évolution est à l’origine de l’aggravation, n’a pas à être déclarée à l’assureur (Cass. 1reciv., 24 juin 1997, n° 95-17994 : Bull. civ. I, n° 207. – Cass. 2e civ., 19 mai 2016, n° 15-16820. – Cass. 2e civ., 22 nov. 2018, n° 17-26355. – Cass. 2e civ., 7 mars 2019, n° 17-31082. – Cass. 2e civ., 4 juill. 2019, n° 18-19242). Ainsi, par exemple, la transformation d’une résidence principale en résidence secondaire, laquelle entraîne une aggravation du risque de vol, n’oblige à aucune déclaration, dès lors que l’assureur n’a pas initialement interrogé le souscripteur sur les modalités d’habitation du logement assuré.

 

            2) Déclaration des risques nouveaux

            La circonstance nouvelle qui engendre, en cours de contrat, la création d’un risque nouveau doit, comme la circonstance aggravante et sous les mêmes conditions, faire l’objet d’une déclaration à l’assureur.

            Est nouveau le risque qui sort des limites du risque assuré tel que défini par le contrat, mais qui demeure étroitement lié à celui-ci. On ne saurait en conséquence soumettre au simple régime de la déclaration l’apparition d’un risque nouveau totalement étranger à celui qui était initialement garanti. Ainsi, l’adjonction d’une garantie contre l’incendie dans une police ne couvrant jusque-là que le risque de dégât des eaux exige un consentement de l’assureur et ne saurait être acquise, ne serait-ce que provisoirement, par le jeu de la seule information de l’assureur. Il en irait de même en cas de substitution d’une nouvelle activité à celle en regard de laquelle l’assuré avait obtenu la garantie du risque de responsabilité encourue dans le cadre de l’exercice de sa profession.

            Il n’y a risque nouveau au sens de l’article L. 113-2 du Code des assurances que lorsque « des circonstances nouvelles provoquent une excroissance du risque initial, suffisamment légère pour ne pas affecter véritablement l’identité du risque assuré » (F. Leduc, Traité du contrat d’assurance terrestre – ss dir. H. Groutel -, n° 770. Pourrait, par exemple, rentrer dans cette définition du risque nouveau donnant lieu à déclaration à l’assureur de responsabilité d’un transporteur le fait d’effectuer un trajet dans un pays limitrophe de ceux qui ont été initialement déclarés dans la police.

C) Exécution de l’obligation

            1) Modalités d’exécution

Délai. La déclaration des circonstances entraînant une aggravation du risque ou créant un risque nouveau doit intervenir dans le délai de quinze jours suivant le moment auquel le souscripteur a eu connaissance de ces circonstances.

Acteurs de l’exécution. C’est au souscripteur qu’il incombe de procéder à la déclaration. D’autres personnes peuvent néanmoins se substituer à lui, telles que le bénéficiaire de la garantie d’assurance, l’héritier du souscripteur décédé ou l’acquéreur de la chose auxquels le contrat d’assurance est transmis en même temps que le bien assuré (C. assur., art. L. 121-10).

La déclaration doit être adressée au siège social de la compagnie d’assurance ou à l’agent général représentant cette dernière. Plus rarement, un courtier peut être amené à représenter l’assureur. Dans ce cas, la déclaration peut être valablement effectuée auprès de lui.

Formes. Bien que l‘article L. 113-2, alinéa 1, 3° indique que la déclaration doit être faite par « lettre recommandée », la majorité de la doctrine estime que le souscripteur peut informer l’assureur par tous moyens (lettre simple, déclaration orale par téléphone). Tout au plus l’usage de la lettre recommandée est une mesure de prudence, que le souscripteur peut négliger, permettant de conserver la preuve de l’exécution de la formalité.

            2) Conséquences de l’exécution

Garantie du risque aggravé ou nouveau. De l’article L. 113-4 du Code des assurances, il ressort que le souscripteur qui exécute son obligation de déclaration est intégralement couvert, aux conditions antérieures. Le risque aggravé ou nouveau est en conséquence automatiquement garanti. Cette situation est cependant provisoire, puisque l’assureur, une fois informé, va exercer l’option que lui ouvre ce même texte.

Option de l’assureur. Une fois informé de la nouvelle configuration du risque, l’assureur dispose d’une alternative. Il peut, en premier lieu, procéder à la résiliation du contrat. Ce qu’il fera dès lors qu’il n’aurait pas accepté de contracter si le risque s’était initialement présenté tel qu’il apparaît après aggravation. La résiliation ne prendra effet, toutefois, qu’au terme d’un délai de dix jours suivant sa notification au souscripteur (ce qui permet à ce dernier de se mettre en quête d’un nouvel assureur). La résiliation oblige en outre l’assureur à rembourser le trop-perçu de prime pour la période qui sépare la rupture du contrat de la date d’échéance de la prime suivante. L’assureur peut, en second lieu, opter pour le maintien du contrat moyennant paiement d’une prime plus élevée. L’assuré est libre de refuser.

Décision du souscripteur. Dans l’hypothèse où l’assureur entendrait poursuivre le contrat, le souscripteur peut refuser expressément le montant de prime majoré qui lui est proposé. Dans ce cas, ou s’il demeure silencieux face à la proposition d’augmentation de l’assureur, ce dernier peut procéder à la résiliation du contrat au terme d’un délai de trente jours suivant la proposition, « à condition d’avoir informé l’assuré de cette faculté, en la faisant figurer en caractères apparents dans la lettre de proposition » (C. assur., art. L. 113-4, al. 2).

Renonciation de l’assureur. L’assureur peut renoncer expressément ou tacitement à tirer les conséquences d’une aggravation du risque qui lui serait régulièrement déclarée. L’article L. 113-4, alinéa 3, du Code des assurances présume irréfragablement la renonciation (tacite) de l’assureur « lorsqu’il a manifesté son consentement au maintien de l’assurance, spécialement en continuant à recevoir les primes ou en payant, après un sinistre, une indemnité ».

D) Sanctions de l’inexécution

Cas d’inexécution. Le manquement du souscripteur à son obligation de déclarer, dans le délai de quinze jours, la circonstance nouvelle aggravant le risque assuré ou créant un risque nouveau peut prendre différentes formes. Le souscripteur peut omettre purement et simplement de déclarer l’aggravation ; mais il peut également déclarer celle-ci de façon inexacte ou encore de façon exacte mais hors du délai qui lui était imparti pour le faire. Les sanctions diffèrent selon le cas de figure envisagé.

Sanction de la déclaration tardive. L’article L. 113-2 du Code des assurances prévoit, à l’encontre du souscripteur qui opère sa déclaration au-delà du délai légal, une sanction spécifique qui est celle de la déchéance de garantie. Cette déchéance ne peut cependant être opposée à l’assuré qu’à la double condition qu’elle ait été expressément stipulée en caractères très apparents dans le contrat (C. assur., art. L. 112-4, al. dernier) et que l’assureur établisse que le retard lui a causé un préjudice (C. assur., art. L. 113-2). En outre, la déchéance doit être écartée lorsque le retard est imputable à un cas fortuit ou de force majeure. Lorsque les conditions d’opposabilité de la déchéance sont réunies, l’assuré est privé du bénéfice de la garantie durant la période qui sépare le terme du délai qui lui était imparti pour faire la déclaration et le moment où il a régularisé sa situation en informant l’assureur de l’aggravation ou de l’apparition d’un risque nouveau. Il en résulte que, si un sinistre est survenu durant ce laps de temps, l’assureur est en droit de refuser de payer l’indemnité et, le cas échéant, d’exiger le remboursement des indemnités versées dans l’ignorance des circonstances nouvelles à l’origine de la modification du risque initial.

Sanctions de l’omission ou de l’inexactitude de la déclaration. Les articles L. 113-8 et L. 113-9 du Code des assurances ne distinguent pas selon que l’omission ou l’inexactitude de la déclaration s’est produite initialement, lors de la conclusion du contrat, ou pendant le déroulement de ce dernier. La jurisprudence applique en conséquence les sanctions prévues par ces textes aux hypothèses dans lesquelles le souscripteur s’est abstenu de déclarer la circonstance à l’origine de l’aggravation du risque ou de la création d’un risque nouveau ou a effectué une déclaration inexacte de cette circonstance survenue en cours de contrat (Cass. 1re civ., 30 sept. 1997 : Resp. civ. et assur. 1997, comm. 381, note H. Groutel ; RGDA 1997, p. 1006, note L. Fonlladosa ; Cass. 2e  civ., 19 oct. 2006 : RGDA 2007, p. 51, note J. Kullmann. Cass. 3e  civ., 15 mai 2013, n°12-14757).

            Lorsque l’omission ou l’inexactitude présentent un caractère intentionnel (ce que l’assureur doit démontrer, la bonne foi étant toujours présumée conformément au droit commun), les dispositions de l’article L. 113-8 du Code des assurances s’appliquent. Le souscripteur de mauvaise foi s’expose à l’annulation du contrat. Si celle-ci est prononcée, les indemnités de sinistre qu’il a éventuellement perçues devront être remboursées à l’assureur, sans possibilité de réclamer à ce dernier la restitution des primes versées au titre du contrat annulé. Le texte prévoit en effet expressément que « les primes payées demeurent acquises à l’assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts ».

            Lorsque, de bonne foi, le souscripteur a négligé de procéder à la déclaration de l’aggravation ou du risque nouveau ou qu’il s’est trompé en procédant à la déclaration, de sorte que les informations transmises à l’assureur sont inexactes, la situation est régie par l’article L. 113-9 du Code des assurances. L’assureur dispose alors d’une option lui permettant soit de rompre le contrat (la résiliation ne prendra effet que dix jours après sa notification à l’assuré par l’envoi d’une lettre recommandée), soit de le maintenir moyennant paiement, à l’avenir, d’une prime plus élevée (nota : le souscripteur peut refuser l’augmentation de prime proposée, ce qui autorise l’assureur à résilier le contrat). En outre, si un sinistre est survenu avant que l’assureur ne soit informé de l’existence de l’aggravation ou de l’inexactitude de la déclaration, l’indemnité à laquelle le souscripteur a droit est réduite selon le rapport existant entre la prime qu’il a payée et celle qu’il aurait dû payer s’il n’avait pas manqué à son obligation de déclaration. Le cas échéant, le souscripteur peut être tenu de restituer un trop perçu, si une indemnité lui a été versée avant que l’assureur n’ait été informé de façon exacte de la nouvelle configuration du risque.

Maud Asselain

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