Obligation d’assurance RC décennale : qui sont les assujettis ? 

 Détermination des personnes tenues de contracter une assurance de responsabilité décennale 

L’article L. 241-1 du Code des assurances énonce que « toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance ». Il importe de délimiter précisément le cercle des personnes que ce texte assujettit à l’obligation d’assurance, ne serait-ce que parce des sanctions pénales s’attachent à l’irrespect de cette prescription légale ; l’article L. 243-3 du Code des assurances prévoit en effet que les contrevenants sont passibles « d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 75 000 euros ou de l’une de ces deux peines seulement ». 

L’article L. 241-1 du Code des assurances soumet à l’obligation d’assurance les personnes (physiques et morales) dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement des articles 1792 et 1792-2 du Code civil. Ces deux textes font reposer une présomption de responsabilité sur le « constructeur », notion que vient préciser l’article 1792-1 du Code civil en énonçant la liste des personnes qui doivent être « réputées constructeur » au sens de ces dispositions. Outre ces « réputés constructeurs » (I), sont également assujettis à l’obligation d’assurance des intervenants simplement assimilés aux constructeurs par des textes spéciaux (II).

 

1.– Les « réputés constructeurs » de l’article 1792-1 du Code civil

L’article 1792-1 du Code civil énonce que :

« Est réputé constructeur de l’ouvrage :

1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ;

2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire ;

3° Toute personne qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage ».

Il résulte de ce texte que sont tenus de souscrire une assurance garantissant leur responsabilité décennale trois catégories de personnes : les locateurs d’ouvrage (A), les vendeurs après achèvement (B) et les mandataires qui accomplissent une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage (C).

 

A– Les locateurs d’ouvrages

Sont « réputés constructeurs, sur le fondement de l’article 1792-1, 1°, du Code civil, l’ensemble des personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage. 

Sont ainsi soumis à l’obligation d’assurance :

l’architecte, lequel intervient en qualité de maître d’œuvre chargé d’une mission de conception, et/ou de surveillance des travaux ;

– l’entrepreneur, ce qui désigne tout opérateur chargé de réaliser l’ouvrage en fournissant son travail et son industrie et, le cas échéant, en fournissant la matière ; 

Nota : en application de l’article 1831-1, alinéa 2, du Code civil, le promoteur qui exécute lui-même une partie des opérations du programme dont il a pris l’initiative est tenu, quant à ces opérations, des obligations d’un locateur d’ouvrage – ce qui est logique car il apparaît alors comme un entrepreneur – et tenu, en conséquence, comme l’énonce expressément l’article L. 242-2 du code des assurances, de souscrire une assurance RC décennale.

Nota : le constructeur de maison individuelle sans fourniture de plan, lequel conclut « un contrat de louage d’ouvrage […] ayant au moins pour objet l’exécution des travaux de gros-œuvre, de mise hors d’eau et hors d’air d’un immeuble » (CCH, art. L. 232-1) entre, en raison de l’existence d’un contrat de louage d’ouvrage et de la nature des prestations qu’il propose, dans la catégorie des « entrepreneurs » au sens de l’article 1792-1, 1°, du Code civil. Il est, à ce titre, débiteur de la garantie décennale et tenu, en conséquence, de contracter une assurance de responsabilité décennale. 

– le technicien, ce qui englobe les ingénieurs et les bureaux d’études liés au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ;

– « toute autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage » : par cette disposition, l’article 1792-1, 1°, du Code civil soumet (par renvoi de l’article L. 241-1 du Code des assurances) à l’obligation d’assurance tous les acteurs participant à l’opération de construction, dans le cadre de contrats susceptibles d’être qualifiés de louage d’ouvrage, ce qui inclut, notamment, le coordinateur de travaux chargé, en cours de chantier, d’assurer la coordination temporelle et spatiale des actions des différents acteurs de la construction (Cass. 3e civ., 26 mai 2010, n° 08-19.925 : RD imm. 2010, p. 491, note F. de Béchillon-Boraud), le conducteur d’opération, chargé d’une assistance générale à caractère administratif, financier et technique et tenu de vérifier la conformité des travaux aux prescriptions techniques des stipulations contractuelles, ou encore le contrôleur technique, lequel « a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d’être rencontrés dans la réalisation des ouvrages » (CCH, art. L. 111-23, al. 1). Quant au « constructeur de maison individuelle avec fourniture de plan », lequel sous-traite l’intégralité des travaux de construction, il conclut également un contrat de louage d’ouvrage avec le maître de l’ouvrage (Cass. crim., 20 déc. 1978, n° 78-92.655 : Bull. civ. III, n° 361 ; JCP N 1979, 479, J.-C. Groslière et Ph. Jestaz. – Cass. 3e civ., 6 mars 2002, n° 00-19.674 : Constr.-Urb. 2002, comm. 166, D. Sizaire). Avec logique, l’article L. 231-1 du Code de la construction et de l’habitation en déduit que « cette personne est […] réputée constructeur de l’ouvrage au sens de l’article 1792-1 du Code civil » et, en conséquence, soumise à l’obligation d’assurance.

Remarque : personnes soustraites à l’obligation d’assurance RC décennale, faute d’existence d’un contrat de louage d’ouvrage

– Sous-traitant. L’exigence d’un lien contractuel direct entre la personne qui peut être réputée constructeur et le maître de l’ouvrage exclut clairement les sous-traitants du champ d’application de l’obligation d’assurance. On peut s’étonner que les sous-traitants soient ainsi dispensés de l’obligation alors que, en pratique, une même entreprise peut intervenir sur un chantier en qualité de locateur d’ouvrage et, sur un autre chantier, en qualité de sous-traitant. En outre, les travaux effectués par les sous-traitants sont parfois plus importants que ceux accomplis par l’entreprise principale, de sorte que le besoin d’assurance de ces sous-traitants n’est nullement moindre que celui d’une entreprise principale liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage. 

– Garant de livraison. L’article L. 231-2, k, du Code de la construction et de l’habitation impose au constructeur de maison individuelle avec fourniture de plan, d’apporter au maître de l’ouvrage une garantie de livraison. L’article L. 231-6, I, alinéa 1, du même code définit cette garantie comme celle qui « couvre le maître de l’ouvrage, à compter de la date d’ouverture du chantier, contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus ». Dans le cadre de sa mission, le garant de livraison, « faute pour le constructeur […] de procéder à l’achèvement de la construction, […] doit désigner sous sa responsabilité la personne qui terminera les travaux » (CCH, art. L. 231-6, III, al. 1). Le garant de livraison se borne à choisir l’entrepreneur chargé d’achever la construction et à assurer le financement de l’opération. La troisième chambre civile en a déduit que « l’exécution par le garant de livraison de ses obligations d’achèvement ne lui conférait pas la qualité de constructeur tenu, en application de l’article 1792 du Code civil, de garantir les désordres de nature décennale apparus après la réception de la construction » (Cass. 3e civ., 7 sept. 2011, n° 10-21.331 : Constr.-Urb. 2011, comm. 166, M.-L. Pagès-de-Varenne ; RD imm. 2011, p. 572, note Ph. Malinvaud). Ce garant ne saurait en conséquence être tenu de souscrire une assurance de responsabilité décennale.

 

B– Les vendeurs après achèvement

En application de l’article 1792-1, 2°, du Code civil, doit être réputée constructeur et est, en conséquence, soumise à l’obligation d’assurance RC décennale « toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire ». Sont ainsi visés les professionnels qui commercialisent un immeuble clés en mains, mais également les particuliers qui transfèrent la propriété de leur bien avant l’expiration du délai de dix ans suivant la réception de l’ouvrage ou l’achèvement de celui-ci (l’achèvement des travaux est retenu comme point de départ du délai décennal lorsque le particulier – alors dénommé « castor » – a lui-même réalisé les travaux de construction. V., par ex., Cass. 3e civ., 19 sept. 2019, n° 18-19.918).

Nota : Les vendeurs non professionnels méconnaissent souvent la charge de responsabilité qui leur incombe au regard des dispositions de l’article 1792-1, 2°, du Code civil et omettent, en conséquence, de souscrire l’assurance pourtant obligatoire de la responsabilité (décennale) qu’ils encourent. C’est pourquoi, sans doute, le Code des assurances met à la charge du notaire – sollicité pour dresser l’acte de vente – une obligation spécifique d’information, laquelle consiste à mentionner, dans le corps de l’acte ou en annexe, « l’existence ou l’absence d’assurance » dommages-ouvrage ou de responsabilité civile décennale (C. assur., art. L. 243-2, al. 2).

 

Remarque : Vendeurs non soumis à l’obligation d’assurance

– Vendeur d’un immeuble inachevé. L’article 1792-1, 2°, du Code civil réservant la qualité de constructeur au seul vendeur « après achèvement » d’un ouvrage qu’il a construit ou fait construire, la Cour de cassation écarte la mise en œuvre de la garantie décennale du vendeur d’un ouvrage dont la propriété est transférée en cours de chantier, quand bien même le défendeur construit, fait construire (Cass. 3e civ., 9 juin 1999, n° 97-19.257 : Bull. civ. III, n° 133 ; RD imm. 1999, p. 408, note Ph. Malinvaud), ou fait rénover le bien (Cass. 3e civ., 14 mars 2001, n° 99-18.348 : RD imm. 2001, p. 255, note Ph. Malinvaud). Ce vendeur n’est en conséquence pas soumis à l’obligation d’assurance.

– Vendeur, après achèvement, d’un immeuble qu’il n’a pas construit ou fait construire. En cas de ventes successives dans le délai des garanties légales, un sous-acquéreur pourrait être tenté d’agir en réparation de désordres de construction contre son vendeur qui n’a pas construit, ni fait construire, sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil. L’article 1792-1, 2°, du Code civil fait cependant peser la charge de la responsabilité spécifique des constructeurs sur les seules personnes qui vendent, après achèvement, un ouvrage qu’elles ont construit ou fait construire. Le vendeur intermédiaire, qui n’a pas lui-même réalisé ou fait réaliser des travaux assimilables à des travaux de construction d’un ouvrage, ne saurait donc être sollicité au titre de la garantie décennale, ni, a fortiori, être tenu de souscrire l’assurance de responsabilité obligatoire.

– Cédant de parts sociales. Le promoteur qui cède des parts sociales d’une société d’attribution par fractions divises créée afin de commercialiser une opération de construction, n’est pas débiteur de la garantie décennale en sa qualité de cédant de parts sociales. En effet, la Cour de cassation considère que la cession des parts d’une société d’attribution s’analyse en une cession de créance, quand bien même les parts cédées donnent droit à la jouissance d’un lot, puis au transfert de sa propriété. Dès lors, « si le cédant n’est pas débiteur des garanties légales des désordres affectant l’ouvrage » (Cass. 3e civ., 12 janv. 2000, n° 97-13.155), il n’est, par suite, pas tenu d’assurer la responsabilité (non décennale) qu’il encourt.

 

 C – Les mandataires assimilés aux locateurs d’ouvrage

L’article 1792-1, 3°, du Code civil répute constructeur « toute personne qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage ». La disposition permet de classer parmi les débiteurs de la garantie décennale et, en conséquence, parmi les assujettis à l’obligation d’assurance, les promoteurs immobiliers, ainsi que d’autres mandataires du maître de l’ouvrage.

– Promoteur immobilier. L’article 1831-1, alinéa 1, du Code civil définit le contrat de promotion immobilière comme « un mandat d’intérêt commun par lequel une personne dite Promoteur immobilier s’oblige envers le maître d’un ouvrage, à faire procéder, pour un prix convenu, au moyen de contrats de louage d’ouvrage, à la réalisation d’un programme de construction d’un ou plusieurs édifices ainsi qu’à procéder elle-même ou à faire procéder, moyennant une rémunération convenue, à tout ou partie des opérations juridiques, administratives et financières concourant au même objet ». Dans ce cadre, le promoteur apparaît comme un mandataire salarié, chargé d’organiser les relations entre le maître de l’ouvrage et les différents intervenants à l’acte de construire. En conséquence (et comme l’énonce expressément l’article 1831, alinéa 1, du Code civil) « ce promoteur est […] notamment tenu des obligations résultant des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du présent code ». Il doit, par suite, obligatoirement se soumettre à l’obligation d’assurance RC décennale, ce que prescrit expressément l’article L. 242-2 du Code des assurances. 

– Autres mandataires. Si l’on excepte le promoteur immobilier mandataire, les acteurs visés par l’article 1792-1, 3°, du Code civil ne sont pas aisément identifiables. Le législateur a vraisemblablement voulu viser des professionnels, intervenant dans le cadre de contrats de gestion ou de mandat et remplissant certaines des obligations dont est tenu un promoteur mandataire au sens de l’article 1831-1, alinéa 1, du Code civil, sans pour autant réunir les conditions requises en vue de la qualification de promoteur immobilier. Tel est par exemple le cas du gérant d’une société lotisseur (Cass. 3e civ., 24 avr. 2003, n° 99-14.449 : RD imm. 2003, p. 356, note Ph. Malinvaud). La question s’est aussi posée de savoir si le législateur ne souhaitait pas assimiler à des constructeurs, les promoteurs qui, au lieu d’agir pour leur propre compte, faisaient fonction de maîtres de l’ouvrage délégués, chargés de mener à bien une opération de construction au service d’un maître de l’ouvrage, promoteur investisseur. La Cour de cassation semble avoir subordonné la responsabilité décennale d’un maître de l’ouvrage délégué au double constat de sa participation à la conception ou au suivi de l’exécution des travaux à l’instar d’un maître d’œuvre, ou à la réalisation d’une partie des travaux à l’instar d’un entrepreneur et à l’existence d’un désordre relevant de l’article 1792 ou de l’article 1792-1 du Code civil (Cass. 3e civ., 10 oct. 2012, n° 11-17.627 et 11-17.796. – Cass. 3e civ., 10 juill. 2012, n° 11-13.392). Le Conseil d’État a, pour sa part, considéré que le maître d’ouvrage délégué n’est pas débiteur des garanties légales dans la mesure où il n’a « assumé, ni la qualité de maître d’œuvre, ni celle de constructeur » (CE, 26 juin 1985, Cne de Rethel : Rec. Lebon, p. 689 et 748). La solution procède des dispositions de la loi n° 85-704, « relative à la maîtrise d’ouvrage public » (dite loi « MOP »), du 12 juillet 1985, depuis abrogée, qui, en fixant les limites des pouvoirs confiés aux mandataires des maîtres de l’ouvrage publics, posait le principe de l’incompatibilité de leur mandat avec l’exercice d’une mission de locateur d’ouvrage réputé constructeur. Sous l’empire des articles L. 2422-4 et L. 2422-11 du Code de la commande publique, qui confirment l’incompatibilité du mandat de maîtrise d’ouvrage avec toute mission de maîtrise d’œuvre et de contrôle technique, cette orientation de la jurisprudence administrative devrait perdurer.

 

2. – Les « assimilés constructeurs »

Bien qu’ils ne soient pas visés par l’article 1792-1 du Code civil et qu’aucun contrat de louage d’ouvrage ne les relie au propriétaire de la construction, certains professionnels sont, en vertu de textes spéciaux, débiteurs de la garantie décennale et, en conséquence, tenus d’assurer la responsabilité qu’ils encourent à ce titre. Entrent dans cette catégorie des professionnels assimilés aux constructeurs, les fabricants « d’éléments pouvant entrainer la responsabilité solidaire » (EPERS) d’une part (A), les vendeurs d’immeubles à construire ou à rénover, d’autre part (B).  

 

A – Fabricants et importateurs d’EPERS

L’article 1792-4 du Code civil fait du « fabricant d’un ouvrage, d’une partie d’ouvrage ou d’un élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance » un responsable solidaire du locateur d’ouvrage « qui a mis en œuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l’ouvrage, la partie d’ouvrage ou élément d’équipement considéré ». Selon le même texte, « sont assimilés à des fabricants [d’EPERS] celui qui a importé un ouvrage, une partie d’ouvrage ou un élément d’équipement fabriqué à l’étranger [ainsi que] celui qui l’a présenté comme son œuvre en faisant figurer sur lui son nom, sa marque ou tout autre signe distinctif ». Par le jeu de la solidarité légale, le fabricant (ou importateur) d’EPERS est indirectement exposé à une responsabilité décennale. En conséquence, il est soumis à l’obligation d’assurance, alors même qu’aucun contrat, a fortiori aucun contrat de louage d’ouvrage, ne le lierait au propriétaire de la construction. 

Remarque : Le fabricant d’EPERS n’est pas, en pratique, un participant à l’acte de construire comme les autres. Il ne se trouve pas sur le chantier. Il ne sait même pas nécessairement où vont ses produits et dans quel ouvrage ils seront intégrés. Il est donc potentiellement dans l’incapacité d’appréhender le point de départ de sa responsabilité qui est constituée par la réception de l’ouvrage et, en conséquence, son point final. Il ne peut pas davantage imaginer le montant potentiel de sa responsabilité puisqu’il ne connaît pas la valeur de l’ouvrage dans lequel est intégré son produit et que c’est cette valeur, et non celle de son produit, qui représente le potentiel de cette responsabilité. L’assureur ne peut, dans ces conditions, ni cerner ni maîtriser son risque. La responsabilité décennale des fabricants d’EPERS est en conséquence un risque particulièrement difficile à assurer.

Nota : Dans un premier temps, la jurisprudence a retenu une conception restrictive des EPERS en réservant cette qualification aux seuls matériaux, composants, ou éléments d’équipement spécialement fabriqués pour la construction envisagée (V., par ex. : Cass. 3e civ., 20 janv. 1993, n° 90-21.224 : Bull. civ. III, n° 4 ; RD imm. 1993, p. 231, note Ph. Malinvaud ; RGAT 1993, p. 320, note H. Périnet-Marquet : constitue un EPERS, « une pompe à chaleur conçue pour être mise en service sans subir de transformation, selon les prescriptions du fabricant et destinée à assurer, selon les performances définies par ce fabricant, la fonction précise de générateur de chaleur ». – Cass. 3e civ., 4 janv. 2006, n° 04-13.489 : Bull. civ. III, n° 1 ; RD imm. 2006, p. 109, note H. Corre ; RD imm. 2006, p. 137, note Ph. Malinvaud : constituent des EPERS des fenêtres fabriquées sur commande spécifique, le fabricant ayant « établi, pour chacune d’entre elles, une fiche de commande portant le numéro de la chambre concernée et les caractéristiques techniques auxquelles devait répondre la baie considérée »). De cette jurisprudence, il s’induisait que les produits fabriqués en série ou vendus sur catalogue ne pouvaient être qualifiés d’EPERS. Un arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation rendu le 26 janvier 2007 (et destiné à mettre un terme au contentieux pléthorique afférent à la qualification des panneaux d’isolation) est venu infléchir les solutions antérieures en considérant que la fabrication en série et la vente sur catalogue ne constituent pas des obstacles insurmontables à l’application de l’article 1792-4 du Code civil, pourvu que le matériau, le composant ou l’élément d’équipement ait été spécifiquement adapté aux exigences particulières de la construction (Cass. ass. plén., 26 janv. 2007, n° 06-12.165 : Defrénois 2008, p. 71, note H. Périnet-Marquet ; G. Courtieu, « Les Epers : questions d’espèces », Resp. civ. et assur. 2007, étude 7 ; Ph. Malinvaud, « Coup d’éclat ou coup de grâce pour les EPERS ? », D. 2007, p. 981). Conformément à cette nouvelle orientation, il a été jugé, par la suite, que des panneaux ayant « une fonction spécifique d’isolation thermique, proposés sur catalogue mais qui ont été “pré-découpés en usine en fonction des dimensions des bâtiments à équiper” relèvent des dispositions de l’article 1792-4 du Code civil » (Cass. 3e civ., 21 nov. 2019, n° 17-24.454 et 17-26.629).

 

B – Vendeurs d’immeubles à construire ou à rénover

– Vendeur d’immeuble à construire. Lorsque le vendeur d’immeuble à construire est un promoteur non constructeur, il conclut des contrats de louage d’ouvrage avec différents intervenants capables de réaliser l’opération de construction dont il a eu l’initiative. Il a donc, a priori, la qualité de maître de l’ouvrage ; en présence de dommages de nature à mettre en jeu les garanties légales, il peut d’ailleurs se prévaloir des dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil à l’encontre des constructeurs. C’est ce qui explique, sans doute, que le législateur n’ait pas intégré le vendeur d’immeuble à construire à la liste des acteurs réputés constructeurs figurant à l’article 1792-1 du Code civil. 

L’article 1646-1, alinéa 1, du Code civil l’assimile néanmoins à un constructeur, à compter de la réception de l’ouvrage. Ce texte dispose en effet que « le vendeur d’un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du présent code ». Il en résulte que le vendeur d’immeubles à construire est tenu de souscrire une assurance RC décennale.

– Vendeur d’immeuble à rénover. Lorsque les travaux de rénovation d’un ouvrage à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation sont réalisés dans le cadre d’un contrat de vente d’immeuble à rénover, l’article L. 262-2, alinéa 3, du Code de la construction et de l’habitation dispose que la responsabilité du vendeur peut être engagée sur les fondements des articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du Code civil, à compter de la réception des travaux. Dès lors que l’ouvrage a été réceptionné, ce vendeur encourt un risque de responsabilité décennale analogue à celui des constructeurs visés à l’article 1792-1 du Code civil. En conséquence, il est tenu, en qualité « d’assimilé constructeur » de souscrire l’assurance de responsabilité obligatoire. 

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