Courte étude des exclusions autorisées en assurance construction

           

            Des dispositions afférentes à l’assurance de responsabilité décennale des constructeurs et à l’assurance dommages-ouvrage excluent la prise en charge des sinistres survenus dans certaines circonstances. Ces exclusions légales sont les seules exclusions dont l’assureur peut se prévaloir pour écarter sa garantie.

            L’article L. 241-1 du Code des assurances fait obligation à « toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, [d’] être couverte par une assurance ». L’article L. 242-1 contraint également le maître de l’ouvrage qui fait réaliser des travaux de construction à souscrire une assurance de dommages « garantissant […] le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs […] sur le fondement de l’article 1792 du code civil ».

            Les articles L. 243-8 et A. 243-1 du même Code précisent, respectivement, que la police souscrite en exécution de ces obligations « est, nonobstant toute clause contraire, réputée comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant dans les clauses types » et que « toute autre clause du contrat ne peut avoir pour effet d’altérer d’une quelconque manière le contenu ou la portée [des clauses types] ».

            De ces dispositions, la jurisprudence a déduit que l’assureur n’est pas en droit de stipuler des exclusions conventionnelles qui aboutiraient à priver l’assuré (constructeur ou maître de l’ouvrage) du bénéfice de la garantie dans des circonstances autres que celles visées par les textes (Cass. 1re civ., 29 avr. 1997, n° 95-10187, Resp. civ. et assur. 1997, comm. n° 238 : « le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses d’exclusion autres que celles prévues par [les textes] ». – Cass. 3e civ., 5 nov. 2020, n° 18-18341 : BJDA nov. 2020, comm. 7, note J. Mel). Il en résulte que l’assureur du constructeur et celui du maître de l’ouvrage ne peuvent opposer un refus de garantie lié aux circonstances de survenance du sinistre que lorsque celui-ci résulte exclusivement d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré (I), des effets de l’usure normale, du défaut d’entretien ou de l’usage anormal (II) ou de la cause étrangère (III).

Les risques exclus du champ de l’assurance construction 1

I. – Exclusion des dommages résultant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré

 

Les clauses-types applicables aux assurances construction (C. assur., art. A. 243-1, Annexe I, pour l’assurance de responsabilité décennale ; Annexe II, pour l’assurance dommages-ouvrage) énoncent que « la garantie du contrat ne s’applique pas aux dommages résultant exclusivement du fait intentionnel ou du dol du souscripteur ou de l’assuré ».

La faute intentionnelle légalement exclusive de garantie se définit comme une faute volontaire, d’action ou d’omission, commise avec « l’intention de provoquer le dommage tel qu’il est survenu » (Cass. 2eciv., 23 sept. 2004 : Bull. civ. II, n°410 ; Resp. civ. et assur. 2004, comm. 389, note H. Groutel ; D. 2005, somm. p. 1324, obs. H. Groutel. – Cass. 3e civ., 9 nov. 2005 Bull. civ. III, n°214 ; Resp. civ. et assur. 2005, comm. 370 (3e esp.), H. Groutel ; RGDA 2006, p. 632 (1re esp.), note J. Kullmann. – Cass. 2e civ., 6 février 2014 : RGDA avr. 2014, p. 214, note M. Asselain). La faute intentionnelle se caractérise par une intention de nuire. En conséquence, il ne suffit pas que l’auteur ait voulu l’acte à l’origine des dommages, ni qu’il ait eu conscience qu’un préjudice résulterait certainement de l’adoption de son comportement, il faut qu’il ait recherché les dommages effectivement réalisés.

La faute dolosive est également exclusive de garantie aux termes des clauses-types. La faute dolosive est caractérisée dès lors que l’assuré a délibérément adopté un comportement avec la certitude qu’un dommage en résulterait inéluctablement et a ainsi fait disparaître l’aléa qui est de l’essence du contrat d’assurance (Cass. 2e civ., 14 juin 2012, n° 11-17.367 : Resp. civ. et assur. 2012, étude 6, H. Groutel ; RGDA2012, p. 1021, note J. Bigot. – Cass. 2e civ., 25 oct. 2018, n° 16-23.103 : Resp. civ. et assur. 2019, comm. 32, repère 1, H. Groutel. – Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 19-11.538 : RGDA sept. 2020, p. 24 et chron., p. 7, J. Kullmann. – Cass. 2e civ., 20 janvier 2022, n° 20-13.245).

            Remarque : La troisième chambre civile de la Cour de cassation, dont relève le contentieux afférent aux assurances construction, a longtemps refusé de reconnaître l’autonomie de la faute dolosive, laquelle, selon cette Chambre, devait être strictement assimilée à la faute intentionnelle, de sorte que la garantie de l’assureur était systématiquement maintenue dès lors qu’il n’était pas établi que l’assuré avait recherché les dommages tels qu’ils s’étaient réalisés (Cass. 3e civ., 11 juill. 2012 : Bull. civ. III, n°107 ; RGDA 2013, p. 56, note J.-P. Karila ; LEDA sept. 2012, A la une, P.-G. Marly. – Cass. 3e civ., 29 mai 2013, n° 12-20.215. – Cass. 3e civ., 13 juill. 2016, n° 15-20.512 : RGDA 2016, p. 410, note P. Dessuet). La troisième Chambre a cependant fini par rallier la position de la deuxième Chambre par un arrêt, publié au bulletin, en date du 30 mars 2023. Après avoir énoncé que « selon l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré » et que « la faute dolosive s’entend d’un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables », la troisième Chambre civile approuve en effet une cour d’appel qui avait écarté la garantie de l’assureur de responsabilité d’un architecte d’intérieur, dont le comportement (la copie – sans autorisation – de l’œuvre d’un tiers) avait eu « pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l’aléa attaché à la couverture du risque » (Cass. 3e civ., 30 mars 2023, n° 21-21084). L’admission de la faute dolosive comme cause de décharge de l’assureur, distincte de la faute intentionnelle, va multiplier les cas dans lesquels l’assureur sera libéré de son obligation de garantie. Si l’hypothèse de la faute intentionnelle du constructeur, laquelle suppose une intention de nuire au maître de l’ouvrage, peut être considérée comme marginale, la commission d’une faute dolosive, en revanche, n’est pas une hypothèse d’école. Le contentieux montre que certains constructeurs exécutent des travaux de mauvaise qualité avec la conscience que des désordres en résulteront inéluctablement pour des raisons « économiques » (gagner du temps ou de l’argent), mais sans volonté de créer le dommage. Ce comportement – qui est constitutif d’une faute dolosive – entraîne désormais exclusion de la garantie de l’assureur RC décennale.

            Nota : l’exclusion de garantie est opposable à tous (souscripteur de la police, assuré, bénéficiaire d’une assurance pour compte et tiers victime). Il en résulte que, lorsque le constructeur comment une faute intentionnelle ou dolosive, le maître de l’ouvrage ne peut obtenir aucune indemnisation de l’assureur de responsabilité dudit constructeur.

II. – Exclusion des dommages résultant des effets de l’usure normale, du défaut d’entretien ou de l’usage anormal

 

            Selon les clauses-types (C. assur., art. A. 243-1, Annexes I et II), la garantie de l’assureur RC décennale, ainsi que celle de l’assureur dommages-ouvrage (DO) sont exclues s’agissant des dommages résultant « des effets de l’usure normale, du défaut d’entretien ou de l’usage anormal ».

            Par définition, les assurances obligatoires ne couvrent que les dommages dont les constructeurs sont responsables sur le fondement de l’article 1792 du Code civil. Or la responsabilité du constructeur n’est pas engagée lorsque le désordre, serait-il de gravité décennale, ne lui est pas imputable. La jurisprudence subordonne en effet la responsabilité des constructeurs à la condition qu’il existe un lien de causalité entre le dommage dont il est demandé réparation et l’intervention du constructeur sur le chantier (étant précisé que ce lien de cause à effet est présumé exister, de sorte qu’il incombe au constructeur d’apporter la preuve contraire afin de s’exonérer : Cass. 3e civ., 27 mai 1999, n° 97-20.276 : RD imm. 1999, p. 411). De nombreux arrêts affirment ainsi que « la garantie décennale d’un constructeur ne peut être engagée qu’en présence de désordres imputables aux travaux qu’il a réalisés » (Cass. 3e civ., 25 mars 2015, n° 13-27.584 : RDI 2015, p. 310, Ph. Malinvaud. – Cass. 3e civ., 20 mai 2015, n° 14-13.271. – Cass. 3e civ., 20 mai 2015, n° 14-15.480 : RDI 2015, p. 420, Ph. Malinvaud. – Cass. 3e civ., 13 juin 2019, n° 18-16.725).

            En conséquence, on peut s’interroger sur l’utilité de l’exclusion formulée par les clauses-types. En effet, dès lors qu’il est établi que le dommage résulte exclusivement d’une usure normale, d’un défaut d’entretien ou d’un usage anormal imputables au maître de l’ouvrage (ou à un tiers), le constructeur est exonéré de sa responsabilité. De sorte qu’il est évident que son assureur de responsabilité ne peut être sollicité, le risque couvert par l’assurance n’étant pas réalisé. De même l’assureur DO n’a pas à intervenir, le dommage constaté demeurant hors champ de sa garantie légalement limitée aux dommages engageant la responsabilité décennale du constructeur.

            Il a ainsi été jugé qu’est exonératoire de la responsabilité du constructeur et donc exclusif des garanties d’assurance l’usage anormal de l’ouvrage consistant à utiliser celui-ci à des fins inappropriées et différentes de celles qui ont été prévues au moment de la conclusion des marchés (V., par ex., Cass. 3e civ., 11 févr. 1998, n° 95-17.199 : RD imm. 1998, p. 262, Ph. Malinvaud. En l’espèce, le stock d’un supermarché avait été entreposé dans un bâtiment, alors que le contrat de louage d’ouvrage restreignait l’usage d’un « dallage léger » à « une circulation légère ». – Cass. 3e civ., 26 mars 1997, n° 94-21.808 : RD imm. 1997, p. 449 ; RGDA 1997, p. 778, A. d’Hauteville : utilisation – anormale –, par un locataire, d’une zone de stockage au-delà des charges autorisées).

            La responsabilité du constructeur et les garanties d’assurance ont été pareillement écartées, au titre du « défaut d’entretien », en présence d’infiltrations d’eau causées par un défaut d’entretien de la toiture (Cass. 3e civ., 17 mai 1995, n° 93-15.610), ainsi qu’en présence de désordres d’étanchéité qui avaient pour cause, non les travaux de peinture imperméable appliquée lors de la construction des immeubles, mais « l’absence de réfection des peintures qui aurait dû être faite au titre de l’entretien des immeubles par le syndicat des copropriétaires » (Cass. 3e civ., 7 avr. 2009, n° 08-10.551).

III. – Exclusion des dommages résultant d’une cause étrangère

 

            Selon les clauses-types (C. assur., art. A. 243-1, Annexes I et II), les « dommages résultant exclusivement de la cause étrangère » sont également exclus du champ de la garantie des assurances obligatoires

            Il peut être fait, à l’égard de cette exclusion, une remarque analogue à celle qui a été faite au sujet de l’exclusion des dommages causés par l’usure normale, le défaut d’entretien ou l’usage anormal (Cf. supra). L’article 1792 du Code civil exonère en effet le constructeur de sa responsabilité décennale si celui-ci « prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère ». Cette disposition suffit à écarter les garanties des assureurs RC décennale et DO, lesquelles ont pour objet exclusif d’indemniser des dommages susceptibles d’engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement de l’article 1792 du Code civil.

            Quoi qu’il en soit, il résulte de cette disposition que l’assureur du constructeur et celui du maître de l’ouvrage sont en droit de refuser de verser une quelconque indemnisation lorsque les désordres ont été causés – exclusivement – par un événement non imputable au constructeur assigné (à tort) par la victime. L’événement source d’exonération peut consister dans un phénomène naturel (A), dans le fait d’un tiers (B), ou encore dans le fait du maître de l’ouvrage (C).

A – Exclusion des dommages résultant exclusivement d’un phénomène naturel

            Les garanties d’assurances sont exclues lorsque le dommage résulte d’un événement naturel (ouragan, cyclone, tempête, tremblement de terre, sécheresse, etc.) assimilable à un événement de force majeure, ce qui, selon les termes de l’article 1218, alinéa 1er, du Code civil, correspond à « un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées ».

            Il a ainsi été jugé que « des chutes de neige exceptionnelles » que le constructeur ne pouvait prévoir et dont nul ne pouvait empêcher les conséquences dommageables, sont constitutives d’une cause étrangère exonératoire (Cass. 3e civ., 7 mars 1979, n° 77-15.153 : Bull. civ. III, n° 57). De même, fut-il admis qu’un glissement de terrain (à l’origine de nombreuses fissures) qui ne pouvait être détecté par une étude de sol classique, était constitutif, par son ampleur, d’un événement de force majeure emportant exonération de la responsabilité décennale du constructeur (Cass. 3e civ., 20 nov. 2013, n° 12-27.876 : RD imm. 2014, p. 52, Ph. Malinvaud). Il fut jugé pareillement en présence de dommages causés par un ouragan d’une violence exceptionnelle (Cass. 3e civ., 11 mai 1994, n° 92-16.201 : Bull. civ. III, n° 94. – Cass. 3e civ., 3 févr. 2004, n° 02-15.137).

             Nota : L’état de catastrophe naturelle, alors même qu’il est constaté par les pouvoirs publics, ne fait pas automatiquement de l’événement considéré, un cas de force majeure écartant la mise en œuvre de la responsabilité des constructeurs et des garanties d’assurance (Cass. 3e civ., 24 mars 1993, n° 91-13.541 : Bull. civ. III, n° 46 ; RTD civ. 1993, p. 594, P. Jourdain).

B – Exclusion des dommages causés exclusivement par le fait d’un tiers

            La cause étrangère exclusive de garantie peut être invoquée par les assureurs RC décennale et DO lorsqu’il apparaît que le fait d’un tiers, présentant les caractéristiques d’imprévisibilité et d’irrésistibilité de la force majeure, est à l’origine exclusive des désordres constatés.

            Il faut prendre garde que le terme « tiers » désigne ici les personnes totalement étrangères aux opérations de construction. Ainsi, le fait du locataire de l’ouvrage peut être invoqué (Cass. 3e civ., 11 févr. 1998, n° 95-17.199 : RD imm. 1998, p. 262, Ph. Malinvaud). En revanche, la jurisprudence estime que le fait des sous-traitants du constructeur, le fait des fabricants ou fournisseurs d’éléments d’équipement ou de matériaux utilisés par le constructeur ne peuvent pas être constitutifs d’une « cause étrangère » exonératoire. En effet, l’entrepreneur est responsable du fait de ses sous-traitants (en application des dispositions de l’article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975), ainsi que du fait de ses fournisseurs ou fabricants (en application de la jurisprudence : Cass. 3e civ., 30 nov. 1983, n° 82-13.249 : Bull. civ. III, n° 253. – Cass. 3e civ., 17 mars 1993, n° 91-12.113. – Cass. 3e civ., 1er déc. 1999, n° 98-11.293). Dans ces conditions, ni le constructeur, ni les assureurs appelés à couvrir les désordres ne peuvent invoquer la faute d’un sous-traitant ou un vice affectant les matériaux livrés, aux fins d’exonération de responsabilité ou de garantie. De même, selon une jurisprudence constante, le fait du tiers potentiellement constitutif de la « cause étrangère » exclusive des garanties d’assurance ne peut jamais résider dans le fait d’un co-constructeur. Les juridictions judiciaires comme administratives écartent en effet systématiquement la demande des constructeurs qui tentent de se retrancher derrière le fait d’un autre locateur d’ouvrage, afin de s’exonérer de leur responsabilité décennale au titre de la « cause étrangère » (Cass. 3e civ., 19 nov. 1997, n° 95-15.811. – CE, 6 mai 1988, n° 77658). Il a ainsi été jugé que le maître d’œuvre ne saurait se prévaloir du fait que les désordres sont imputables exclusivement à l’exécution défectueuse des prestations de l’entrepreneur (Cass. 3e civ., 19 nov. 1997, n° 95-15.811, préc.). Inversement, l’entrepreneur ne peut efficacement invoquer une faute de l’architecte dans l’accomplissement de sa mission (Cass. 3e civ., 13 juill. 1994, n° 92-13.586. – Cass. 3e civ., 25 mai 2005, n° 03-20.247. – Cass. 3e civ., 12 avr. 2018, n° 17-20.254 : Constr.-Urb. 2018, comm. 89, M.-L. Pagès-de-Varenne).

C – Exclusion des dommages causés exclusivement par le fait du maître de l’ouvrage

            Lorsque le comportement du maître de l’ouvrage apparaît comme la cause exclusive des désordres constatés, le comportement en question peut être invoqué par le constructeur et les assureurs comme une « cause étrangère » exonératoire de responsabilité, pour le premier et de l’obligation de garantie, pour les seconds.

            S’agissant des comportements antérieurs à la réception de l’ouvrage, la jurisprudence admet que l’immixtion fautive du maître de l’ouvrage ou une acceptation délibérée des risques par celui-ci peut emporter libération, au titre de « la cause étrangère, du constructeur et des assureurs RC décennale et DO, dès lors qu’elles sont la cause exclusive des désordres dénoncés (Cass. 3e civ., 20 mars 2002, n° 99-20.666 : Bull. civ. III, n° 68 ; RD imm. 2002, p. 236, Ph. Malinvaud. – Cass. 3e civ., 16 juin 2016, n° 14-27.222 : RD imm. 2016, p. 552, P. Dessuet). L’immixtion fautive suppose que le maître de l’ouvrage ait joué un rôle actif dans la réalisation des travaux (Cass. 3e civ., 1er févr. 1989, n° 87-17.979). Elle est caractérisée, par exemple, lorsque le maître de l’ouvrage a réduit la mission initiale du maître d’œuvre, s’est adressé directement aux entrepreneurs sans en informer l’architecte et a activement participé à la construction en modifiant l’épaisseur des agglomérés et l’ouverture des fenêtres (Cass. 3e civ., 6 mars 2002, n° 00-10.358 : RD imm. 2002, p. 236, Ph. Malinvaud) ou lorsque le maître d’ouvrage a établi les plans du permis de construire, demandé leur modification à plusieurs reprises au cours du chantier et contrôlé les situations dont il a assuré le règlement (Cass. 3e civ., 14 nov. 2001, n° 99-13.638 : RD imm. 2002, p. 87, Ph. Malinvaud). L’immixtion fautive ne peut cependant constituer une « cause étrangère » que si elle émane d’un maître de l’ouvrage « notoirement compétent » (Cass. 3e civ., 9 janv. 1980, n° 78-15.178 : Bull. civ. III, n° 11. – Cass. 3e civ., 19 sept. 2019, n° 18-15.710 : Constr.-Urb. 2019, comm. 134, M.-L. Pagès-de-Varenne).    L’acceptation délibérée des risques par le maître de l’ouvrage peut également conduire à une exonération du constructeur et des assureurs. Elle diffère de l’immixtion fautive, dans la mesure où la compétence notoire du maître de l’ouvrage n’a pas à être établie (Cass. 3e civ., 9 juin 1999, n° 97-18.950 : Bull. civ. III, n° 132 ; Defrénois 1999, p. 1136, H. Périnet-Marquet ; RD imm. 1999, p. 410, Ph. Malinvaud. – Cass. 3e civ., 29 oct. 2003, n° 01-12.482). En revanche, il convient de démontrer que le maître de l’ouvrage a été parfaitement avisé des risques inhérents à l’absence de réalisation de certains travaux ou à l’absence d’utilisation de certaines compétences ou techniques de construction (Cass. 3e civ., 27 sept. 2006, n° 05-15.038 : RD imm. 2006, p. 503, Ph. Malinvaud). L’exonération est en outre subordonnée à une mise en garde concernant les risques graves de désordres inhérents à un choix inapproprié (Cass. 3e civ., 3 mars 2004, n° 02-17.022 : RD imm. 2004, p. 304, Ph. Malinvaud. – Cass. 3eciv., 11 déc. 2007, n° 06-21.908 : Resp. civ. et assur. 2008, comm. 105).

            Quant aux comportements (à l’origine exclusive des désordres) qui sont adoptés par le maître de l’ouvrage postérieurement à la réception de l’ouvrage, ils peuvent également entrainer la mise en œuvre de l’exclusion de garantie liée à « la cause étrangère ». Dans la mesure où ces comportements potentiellement exonératoires consistent généralement dans un usage anormal de l’ouvrage ou dans un défaut d’entretien de celui-ci, ils relèvent cependant, à notre avis, de l’exclusion spéciale tirée de l’anormalité de l’utilisation du bâtiment ou de l’absence d’entretien (sur cette exclusion, Cf. supra II).

Maud Asselain

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